Emotionnel mais sans excès, le récit de Mourad Brahimi, édité par Casbah éditions, se laisse lire avec aisance. Le livre raconte l'incarcération d'un cadre, la descente aux enfers d'un idéal, la restitution d'un rêve brisé. L'histoire débute par une arrestation entachée d'arbitraire et se termine par une désillusion pérenne. Entre ces deux repères marqués aux plaies à jamais ouvertes, mille et un questionnements sont déclinés sur le ton amer de celui qui découvre que l'injustice des hommes est plus douloureuse à supporter que toutes les lois réunies de la jungle. Ecrit dans un style qui allie le compte rendu journalistique aux envolées intimes d'un homme qui connaît les langages du silence et les nuances des bleus du ciel, Rien qu'une empreinte digitale décrit par le menu l'univers de la prison. Toutefois, l'auteur n'est pas dans l'autopsie intégrale mais dans la réception-récapitulation puisqu'il est au milieu des conditions de détention qu'il décrypte. Ainsi, ici et là, Mourad va au détail pour dire combien sont importants les petits gestes de la vie à l'intérieur d'un milieu clos, quand la vie vous est momentanément bloquée en un tour de main (sans image aucune) par des gens payés uniquement pour suspecter d'autres. Quand les langues se métamorphosent en d'autres langues pour dire la même chose mais autrement. Agissant ainsi, l'auteur de ce livre intimement proche de la biographie et du destin personnel ne se contente pas de dévoiler un espace privatif de liberté. Un espace par définition inhibiteur de personnalité. Mourad place sa personne en avant-scène, il se place en être écartelé pour se dénuder dans son être intime afin d'exprimer son désarroi et ses lancinantes solitudes d'ancien cadre de la nation face à toutes les iniquités contenues dans des lois produites par des hommes qui croient toujours détenir la vérité. Des hommes qui pensent, pour on ne sait quelle raison, avoir toujours raison. Tour à tour et dans une démarche de lecture des lieux plus qu'ordonnée, Brahimi évoque en parallèle ses attentes inabouties, ses angoisses répétitives, sa famille, son ancien travail. Il parle de tout cela mais insiste sur ces bouts de vie chahutés de ceux et celles qui se sont un jour retrouvés, malgré eux, nez à nez devant une justice pas toujours munie de sa balance mais toujours armée de son glaive. Observateur de l'intérieur, observateur du jour, l'auteur s'attarde également sur les rituels des maisons d'arrêt. Des rituels qui font de la confiscation du rêve leur passe-temps favori et des humiliations individuelles ou collectives, leur marque de fabrique déposée. Lucide et pensé dans une écriture alerte quoique irrigué par des passages d'une grande tristesse, le livre Rien qu'une empreinte digitale s'adresse, de manière plus générale, à tous ces hommes et femmes anonymes qui, face à l'adversité du temps et aux inepties du hasard, n'on pas su trouver « le bon tuyau », n'ont pas pu intégrer le « bon réseau » ni s'associer aux « bons élèves » et à la « bonne clientèle » , celle qui sait où se trouve « la bonne » justice et la moins « bonne » .