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Sahara : pourquoi il vaut mieux exploiter le soleil plutôt que l'eau
Publié dans El Watan le 20 - 09 - 2013

Une étude récente menée par l'Institut de recherche pour le développement (IDR mai 2013) met en évidence que les nappes d'eau souterraines fossiles du Sahara ne sont pas totalement fossiles. Une idée qui n'est pas nouvelle puisque déjà en 2008, Mohamedou Ould Baba Sy de l'Ecole nationale d'ingénieurs de Tunis a pu le démontrer à partir d'analyses géochimiques faites sur une quinzaine d'années. Les nappes du système aquifère du Sahara septentrional (SASS) comme les appellent les spécialistes ou plus communément les nappes de l'Albien à cause de l'âge géologique des formations qui les contiennent sont en fait réalimentées chaque année.
La démonstration récente de l'IRD, effectuée à l'aide d'une méthode qui s'appuie sur des données obtenues par satellite, a permis d'estimer les variations du volume d'eau emmagasiné sous le Sahara septentrional. L'Algérie, la Tunisie et la Libye se partagent successivement 70%, 22% et 8% des 1 019 000 km² de la superficie du SASS qui contient, avec deux aquifères superposés, le continental intercalaire et le complexe terminal. L'or bleu du Sahara ou encore la «mer souterraine du Sahara» contiendrait, selon les sources et les auteurs, entre 30 000 et 100 000 milliards de mètres cubes.
Les nappes sont en effet alimentées par des infiltrations d'eau de pluie aux piedmonts de l'Atlas saharien. Cette recharge est de l'ordre de 1,4 milliard de mètres cubes par an, ce qui correspond à peine à 2 mm à la surface du système et 40% des 2,75 milliards de mètres cubes qui sont extraits chaque année. Il y a bien entendu surexploitation. La quantité totale des réserves varie fortement d'une source à une autre, d'un auteur à un autre, allant de 30 000 milliards de mètres cubes à 1 208 000.
Schiste
Les prélèvements n'ont cessé d'augmenter depuis 1960. Les puits et forages se sont multipliés, et les retraits annuels sont passés de 0,5 milliard de mètres cubes en 1960 à 2,75 milliards de mètres cubes en 2010, entraînant un abaissement généralisé du niveau des nappes qui a atteint 50 m par endroits. De nombreux puits artésiens et sources naturelles, autour desquels se sont développées les oasis et leurs économies, se sont d'ores et déjà taris. Il y a un organisme, l'Observatoire du Sahara et du Sahel, basé à Tunis, qui théoriquement veille à une exploitation planifiée de la ressource entre les trois pays qui l'exploitent.
Le défi à relever pour une exploitation durable basée sur des méthodes d'irrigation économes est d'ores et déjà perdu, car en plus des besoins croissants d'une population qui devrait atteindre 10 millions d'habitants vers 2030, se profile la menace de l'extraction du gaz de schiste pour lequel chaque puits exige l'équivalent en eau de 10 piscines olympiques, selon des experts qui redoutent le pire. L'exploitation du gaz de schiste partage le monde.
Aux Etats-Unis, l'exploitation bat son plein, depuis dix ans. Au point où on parle d'une très probable indépendance énergétique de ce pays qui importe 80% des ses besoins en grande partie du Moyen-Orient. Mais c'est une activité éminemment polluante. «Un danger absolu qui affecte l'eau, le sol et l'air», affirment les scientifiques soutenus par les écologistes du monde entier même aux Etats-Unis qui détiennent les plus grandes réserves au monde avec 106 400 milliards de mètres cubes (km3) devant l'Afrique, 72 000 km3, l'Asie, 70 000 km3 et l'Amérique du Sud 58 000 km3.
Pétition
Le gaz de schiste est exploité depuis une soixantaine d'années, mais il est resté peu rentable jusqu'à il y a une dizaine d'années lorsqu'on a pu combiner la technique du forage horizontal et celle de la fracturation hydraulique. En Algérie, les réserves sont estimées à 30 000 et 100 000 milliards de mètres cubes. Les troisièmes d'Afrique après l'Afrique du Sud 13 700 km3 et la Libye 8 200 km3. En avril 2011, Sonatrach et Sonelgaz ont signé des accords avec des groupes étrangers pour l'exploitation du gaz schiste dans le bassin de l'Ahnet à la frontière algéro-libyenne. L'Italien ENI pour la première et une firme américaine pour la seconde. Des Algériens ont vivement réagi en lançant une pétition nationale mais comme toujours, cela n'a pas ébranlé d'un iota les pouvoirs publics affolés par l'annonce du pic oil à partir de 2016.
L'extraction du gaz de schiste est réputée très polluante. Une centaine de produits chimiques sont employés avec de dangereuses concentrations et des quantités importantes. Cependant, ce sont les ressources en eau utilisées qui sont le plus décriées. En effet, on estime qu'il faut entre 10 000 et 15 000 m3 d'eau pour un seul forage soit l'équivalent de dix piscines olympiques pour reprendre la métaphore de Moussa Kacem, géologue à l'université d'Oran et initiateur de la pétition.
Dans le Sahara, algérien et libyen, les seules ressources hydriques disponibles sont celles des aquifères du SASS. L'eau puisée dans la mer fossile sera irrécupérable, car trop chargée en substances chimiques et en matériaux. Rejetée dans le milieu naturel, elle va retourner dans le sol et le sous-sol en contaminant les formations géologiques qu'elle traverse et l'eau qu'elles ont emmagasinées depuis au moins 10 000 ans. Le Sahara est une inépuisable mine de chaleur où l'eau est précieuse. La présence d'une mer d'eau douce souterraine fossile est miraculeuse. Le bon sens, le simple bon sens voudrait que l'on s'active plus à exploiter l'inépuisable soleil plutôt que de céder à la panique et à la facilité en dilapidant une irremplaçable opportunité pour les générations futures.


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