L'Algérie, qui fut un acteur majeur du mouvement de décolonisation dans les années 1950 et 1960, est devenue aujourd'hui un enjeu pétrolo-sécuritaire d'une grande importance. Des puissances occidentales ainsi que des pouvoirs financiers régionaux la convoitent au gré des aléas internationaux. L'Algérie pouvait en effet émerger comme un acteur régional de premier plan. Toutefois, le coup de force, comme instrument privilégié à l'accès au pouvoir, a consolidé la lourde tendance à la consolidation autoritaire. Un Etat de type nouveau, l'Etat sécuritaire, a pris ainsi naissance au détriment de l'intérêt national et la solidarité maghrébine. Modernisation et modernité En Algérie, l'Etat actuel est l'aboutissement d'une succession de coups de force qui ont lieu du déclenchement de la lutte armée jusqu' à la cooptation de Abdelaziz Bouteflika, en passant par le putsch militaire du 19 juin 1965 et les émeutes d'Octobre 1988. Le coup de force, militaire, institutionnel, insurrectionnel, organique, économique ou électoral, est permanent dans la genèse du régime politique. Soixante ans après le déclenchement de la révolution, les règles pour accéder, exercer ou quitter le pouvoir relèvent de l'informel, de l'opacité. L'enjeu fondamental de ces coups ne vise pas la mise en place d'un projet de société aux contours et objectifs précis. Ce qui a prévalu jusqu'à aujourd'hui, c'est plutôt une «guerre de tous contre tous» pour des privilèges et prébendes. Il en résulte que la tendance lourde n'a pas été en faveur de la construction nationale, l'Etat-nation. Cette tendance a été toutefois en faveur de la construction étatique de type jacobin, centralisateur, bureaucratique et répressif. Cette dernière a été jusqu'à aujourd'hui plus forte que la construction nationale. La modernisation a abouti, tout compte fait, à la construction d'un puissant appareil de contrôle et de surveillance plus fort que l'Etat-nation. Le budget national a accordé de tout temps la part du lion aux ministères de la Défense nationale et l'Intérieur. Le ratio sécuritaire par habitant dans la région est le plus élevé dans le monde. Malgré cela, le printemps arabe n'a pas eu de sérieuses difficultés à ébranler profondément cet appareil, à tel point que la peur a changé de camp. La tendance à la remise en marche de la machine coloniale, au lendemain de l'indépendance, était plus forte que la tendance de construction d'un Etat national moderne, décentralisateur, transparent et régulateur. L'appareil colonial dans ses aspects répressif, oppressif et bureaucratique, perçu comme l'instrument privilégié de l'exploitation des Algériens, fut rapidement réactivité, paradoxalement. Cette réactivation était perçue comme un préalable pour la construction d'un Etat moderne et d'une société socialiste, égalitaire et juste. La modernisation est saisie principalement à travers ses aspects matériels, technologiques et sécuritaires. Cette option de développement ne pouvait en effet aboutir qu'à une modernisation forcenée plus forte que la modernité, dont son avortement produira la culture de l'émeute et l'Islam politique dans les années 1980. Si la modernité est fondée en quelque sorte sur la mort symbolique de Dieu en l'empêchant d'intervenir dans l'histoire de l'Occident moderne, l'islamisme le réinvite et l'installe au cœur de la globalisation et du nouvel ordre sécuritaire. Emergence du Pouvoir prétorien Le congrès de la Soummam a mis en place en effet des structures d'un embryon de l'Etat indépendant, comme le rappelle Daho Djerbal. Comme décision importante, la primauté du politique sur le militaire est adoptée. Mais ce principe contredit la mise en place d'une police politique confiée au colonel Abdelhafid Boussouf. En juin 1957, en préparation à la rencontre du Caire, le groupe des colonels se renforce, le CEE procède à la nomination de deux colonels et d'un commandant au sein du CNRA. Lors de cette réunion, en août 1957, les colonels remettent en cause les principes directeurs de la révolution algérienne décidés lors de la réunion de la Soummam. Ils ne considèrent plus la primauté du politique sur le militaire. Quelques mois plus tard, en décembre 1957, Abane Ramdane, l'artisan de la plateforme de la Soummam, est assassiné par «les frères d'armes», mais «tombé au champ d'honneur», officiellement. Ce mensonge révèle qu'une mutation profonde des mœurs politiques s'est opérée dans la culture ambiante. Le mensonge deviendra un élément structurant du discours officiel de l'Algérie indépendante. Cet assassinat constitue l'acte fondateur de l'Etat sécuritaire. Ce moment générationnel influencera considérablement la conduite des affaires du pays. Depuis ce moment, la compétition est grande ouverte pour la mainmise de l'appareil ALN-FLN, l'Etat-naissant. La militarisation du politique s'inscrit dans une stratégie de prise et consolidation du pouvoir. Le recours à la violence pour la résolution des conflits ne pouvait en effet que favoriser le groupe qui possède la violence, militaire ou symbolique. Le mot d'ordre «d'abord l'action», comme le souligne Mohamed Harbi, qui a conduit le groupe des révolutionnaires à lancer le déclenchement de la lutte armée, devient «d'abord l'armée». Le MALG (Ministère de l'armement et des liaisons générales) Lors de la réunion du Caire, Abdelhafid Boussouf est chargé de réorganiser le «Service de renseignement et de liaison» de l'ALN pour devenir le MALG en septembre 1958. A cette fin, il s'entoure d'une équipe de remarquables collaborateurs qui joueront un rôle de premier plan dans le déroulement de la lutte armée ainsi que dans la conduite des affaires de l'Algérie indépendante. Parmi eux, notons Houari Boumediène, Abdelaziz Bouteflika et Kasdi Merbah, ainsi que Laroussi Khalifa, SG du MALG, dont son fils Rafik Abdelmoumen émergera au début des années 2000 comme le patron d'un empire financier, un véritable Etat parallèle. En 1958, un ministère au renseignement est attribué dans le premier GPRA. Cette décision constitue un autre coup de force qui conduira à l'institutionnalisation du fait militaire au détriment du politique. La fonction policière est incorporée à la fonction politique avant même la naissance de l'Etat indépendant. De jeunes militants issus de familles aisées et notables sont envoyés en formation en URSS et Europe de l'Est. La première promotion envoyée à Moscou en 1960 aura pour nom de code «Tapis rouge». Kasdi Merbah fait partie de ce groupe, il deviendra le chef de la redoutable SM (Sécurité militaire), la police politique, sous Houari Boumediène.Ce ministère émerge à la veille du cessez-le-feu comme l'institution la plus importante du GPRA. Il regroupe quelque 1500 cadres parmi les plus formés quand les autres ministères ne comptaient que quelques dizaines. Les «hommes de l'ombre» seront au cœur de la décision politique tant sous le règne des colonels que tant sous le règne des généraux. Les membres du MALG passent à la postérité sous la dénomination de «Malgaches». L'EMG (état-major général) et Houari Boumediène En décembre 1959, une réunion de colonels de l'ALN consacre la prééminence de «l'armées des frontières» à la fois sur les civils du GPRA et sur les wilayas de l'intérieur. Houari Boumediène obtient la direction de la nouvelle instance, l'EMG. A partir de son PC, le chef de l'EMG coordonne l'organisation d'une armée qui ne cesse de croître et entreprend sa modernisation sous la direction des anciens officiers de l'armée française. Par comparaison à l'armée des frontières, les maquis de l'intérieur sont sous-équipés, ils finiront par être détruits quasiment par les grandes opérations militaires, notamment le plan Challe de 1961. L'armée des frontières regroupant plus de 30 000 personnes était conçue dès sa naissance comme un instrument de conquête de pouvoir dans une Algérie indépendante. Avant même la signature des accords de cessez-le-feu, les responsables du FLN-GPRA-ALN et les organisations satellitaires se lancent déjà dans une course effrénée pour la prise du pouvoir laissé vacant par l'administration coloniale. Seul l'EMG semble avoir une stratégie claire. En décembre 1961, Houari Boumediène envoie son homme lige, le capitaine Abdelaziz Bouteflika, rendre visite aux cinq «chefs historiques» détenus au Château d'Aulnoy (France) pour les convaincre de soutenir l'EMG dans le conflit qui l'oppose au GPRA. Boumediène récupère rapidement Ahmed Ben Bella dont la légitimité sera instrumentalisée pour la conquête du pouvoir au moment opportun. Dans une situation de grande confusion et de chaos, Boumediène en profite pour renverser le GPRA sans que les politiques ne se rendent vraiment compte de l'importance de ce coup de force. Le coup de force de 1962 marque définitivement la fin d'une époque, d'un rêve. Le 9 septembre 1962, l'armée des frontières, après plus de deux mois de combats, fait une entrée triomphale à Alger. Le même jour elle est baptisée avant même la naissance de l'Etat algérien, l'ANP (Armée nationale populaire). Le 25 septembre 1962, l'assemblée nationale constituante proclame la naissance de la République algérienne démocratique et populaire. Le pouvoir prétorien confisque la lutte séculière de tout un peuple. Ce «péché originel» marquera profondément l'Algérie indépendante où l'histoire officielle occultera le rôle de l'action politique dans la libération nationale. Aucun membre du GPRA ne figure dans le premier gouvernement, mais 5 militaires, dont Houari Boumediène, occupent des postes clefs. Le 17 mai 1963, Boumediène est nommé premier vice-président et ministre de la Défense. Le budget du ministère de la défense est de 10% du PIB en 1963, alors que la situation sociale est très préoccupante. Lors du 1er congrès du FLN, en avril 1964, 3 militaires se trouvent au Bureau politique du FLN, notamment le ministre de la défense, le chef état-major et de son adjoint. Le 19 juin 1965, Houari Boumediène renverse le président Ben Bella, plusieurs opposants s'exilent et le règne des colonels s'institutionnalise subrepticement. La consolidation autoritaire sous Boumediène Au lendemain de l'échec du putsch de 1967, Boumediène prend une série de mesures, notamment le rattachement de la SM à son cabinet et la dissolution du poste de chef d'état-major de l'armée. Il devient lui-même ministre de la Défense et chef des forces armées. Les membres du gouvernement, de l'administration, la diplomatie et des services de sécurité, nommés par lui, sont responsables devant lui. Le pouvoir conquis, Boumediène met subrepticement en place un modèle autoritaire singulier, civil de l'extérieur et militaire de l'intérieur. Il s'approprie aussi les ressources financières lui permettant de façonner plusieurs types de légitimations. Toutefois, ses proches collaborateurs sont libres de faire des affaires, pourvu qu'ils ne s'occupent pas de politique. Au cours de la consolidation autoritaire, l'Etat devient entrepreneur, gestionnaire, allocataire et protecteur. L'Etat-providence prend totalement en charge les algériens, perçus comme des sujets, pendant que la corruption politique s'institutionnalise avec l'augmentation des revenus énergétiques. Les programmes économiques renforcent le dogme de l'identité armée-révolution-nation. Les chefs militaires et dirigeants ne considèrent plus détenir leur pouvoir du peuple, ils n'ont par conséquent aucun compte à lui rendre. En échange, la population doit à son bienfaiteur obéissance et soumission sans murmure, comme le voudrait la règle militaire. En 1976, Boumediène a eu droit à une constitution taillée sur mesure consacrant l'Islam comme «religion d'Etat». Il est élu au suffrage universel comme l'unique candidat. Il dispose du pouvoir réglementaire, de la possibilité de légiférer par ordonnance, de saisir le peuple par voie de référendum et de demander une modification de la Constitution. Ses successeurs renforceront le présidentialisme à l'algérienne. Chadli Bendjedid et la professionnalisation de l'armée Au lendemain de son investiture, le colonel Chadli Bendjedid renforce la professionnalisation et la modernisation de l'armée en cours. Les grades de général et général-major de l'armée sont institués en 1984. Plus fondamentalement, il réorganise en 1987 la SM en deux directions, la sécurité de l'armée, et la DGPS (Délégation générale de la prévention et la sécurité). Cette dernière regroupe les structures du renseignement extérieur et du contre-espionnage, elle est placée sous la tutelle de la présidence de la république. Cette réorganisation a fait des mécontents et attisé des luttes de sérail. Chadli Bendjedid fait preuve en effet de méfiance à l'égard de la SM, comme Bouteflika le fera à l'égard du DRS. Il limoge le général Medjdoub Lakhehal-Ayat, le chef de la DGPS, à la suite des émeutes de 1988 et restructure cette institution. En septembre 1990, les différentes branches sont réunifiées et centralisées au sein d'un organisme unique, le DRS. La présidence de la république sous Chadli Bendjedid perd tout contrôle sur la branche «civile» de ce département qui sera placé sous la seule responsabilité du ministre de la défense, le général-major Khaled Nezzar. Ce dernier confie le DRS au colonel Mohamed Mediène dit «Toufik», qui sera le nouveau patron de toute la nébuleuse du département de renseignement durant pratiquement un quart de siècle. Très étrange, les Algériens n'ont vu ni son visage ni entendu sa voix. La mentalité de la guerre froide persiste en dépit de la révolution des moyens de communication. Les attentats du 11 septembre 2001 et la rente sécuritaire Très coûteux déjà, le déploiement sécuritaire est renforcé au lendemain de attentats du 11 septembre 2001. L'Etat sécuritaire dans le monde gagne brutalement ses lettres de noblesse. La lutte antiterroriste sous la houlette des Américains donne à cet Etat une légitimation internationale jamais acquise auparavant. Cette lutte permet la construction d'un nouveau type de légitimité, la légitimité sécurité, «la légitimité du sang», pour pallier l'absence de légitimité démocratique. Les pressions exercées par les Etats-Unis et l'Europe pour l'ouverture politique et médiatique du système autoritaire sont levées du jour au lendemain. L'alibi terroriste permet aux pays arabes et musulmans l'acquisition de tout un attirail militaire, y compris stratégique, réservé auparavant aux alliés fiables ou amis politiques. Des équipements sont également fournis pour réprimer les manifestants des droits de l'homme et du citoyen. Les attentes démocratiques sont reportées aux calendes grecques. L'enjeu fondamental est le maintien de la stabilité politique au détriment du développement du capital humain. La politique «tout sécuritaire» est restée un dogme, même lorsque le terrorisme islamiste est devenu résiduel et éphémère. L'Algérie, avant-garde de la guerre globale contre le terrorisme, reçoit des équipements militaires sophistiqués qu'elle n'avait pas pu acquérir auparavant. D'autres pays dans la région ont également accès à un armement moderne. Une course aux armements sans précédent dans l'histoire des jeunes nations est engagée dans la région. Cette course est accélérée depuis la crise financière mondiale (2007-2008). Ces équipements, très couteux, ne répondent pas souvent aux besoins de la lutte antiterroriste. Il est à craindre qu'ils soient utilisés dans des guerres par procuration comme au temps de la guerre froide. En Syrie, «la solution militaire» préconisée et soutenue par les puissances militaires et financières illustre clairement les conséquences immédiates de ce surarmement. Bouteflika et l'état-major de l'armée En accédant à la présidence de la République, Abdelaziz Bouteflika était sans attache organique avec l'institution militaire. Il n'était pas un officier de carrière, à l'instar avant lui de Houari Boumediène, Chadli Bendjedid ou Liamine Zeroual. Il pouvait de ce fait réorienter la tendance lourde de la consolidation autoritaire vers l'institutionnalisation du politique. Toutes les conditions, y compris financières, étaient réunies pour opérer le passage de la légitimité historique à la légitimité institutionnelle, de l'autoritarisme à la démocratie, du populisme à la rigueur économique, de la «hogra» à la justice sociale. Dès son investiture, le nouveau chef d'Etat entre en concurrence avec l'état-major de l'armée qui tenait à lui imposer un gouvernement, comme par le passé. Pour lui, il est hors de question que l'armée reste au cœur de la décision politique. Elle doit retourner à ses baraquements conformément la constitution. Sans complexe, il ne tient nullement à être «un trois quarts président» en dépit du fait qu'il fut mal élu à plusieurs reprises. Il a pensé qu'il pouvait rapidement parvenir à «civiliser» les militaires qui s'étaient opposés à sa cooptation à la magistrature suprême du pays en 1979. Le chef suprême des forces armées n'a pas pour autant un esprit anti-militariste. Bien au contraire, il a, comme les militaires ou les islamistes, une vision verticale du pouvoir et une conception autoritaire du changement social, de haut en bas de la pyramide étatique. Sans projet de société précis, son objectif ultime est de réformer le système politique de l'intérieur afin de s'accaparer éventuellement de la totalité du pouvoir, pouvoir formel et pouvoir occulte. Il ne souhaite nullement partager le pouvoir avec une aucune structure. A cette fin, il tisse un réseau complexe de relations s'appuyant sur la famille, des proches et la réactivation des réseaux traditionnels, les zaouias, ainsi que sur des cheikhs arabes des Etats pétroliers. Tout un personnel politico-administratif, dont son noyau dur est originaire de la même région, soumis au fait du prince, est aussi mis en mouvement. Tout compte fait, il a réussi à renforcer sans trop de difficultés les mécanismes du néo-patrimonialisme, alors que le pays était dans l'anti-chambre de la modernité dans les années 1960. Le coup de force de septembre 2013 Au lendemain de la seconde victoire électorale, le président Bouteflika achève la mise à l'écart de l'armée de combat du champ politique et parvient aussi à avoir un ascendant sur le groupe de généraux qui a parrainé Ali Benflis en 2004. Il achève le processus en cooptant les récalcitrants à un ordre monarchique en gestation. Mais l'armée politique est devenue entre-temps une entité au dessus de la mêlée. La lutte antiterroriste lui a permis de se déployer horizontalement et verticalement, son champ d'action s'est élargi au point que l'on ne sait plus qui contrôle réellement qui. A son actif, notons les succès électoraux au profit de «l'homme providence» et la révision constitutionnelle pouvant conduire à une présidence à vie. Dès son retour au pays, Bouteflika, très affaibli par une longue hospitalisation en France, arrive à faire un autre coup de force alors que tout le monde s'attendait à une destitution. La constitution, même triturée en 2008, ne semble pas avoir été respectée. Il fait une rentrée sociale spectaculaire, en septembre 2013, en remaniant profondément le gouvernement. Comme changements importants, il octroie des postes ministériels de souveraineté à des proches fidèles, notamment l'Intérieur et la Justice. Il nomme également son ministre des Affaires étrangères à la présidence du Conseil constitutionnel. Il attribue aussi le poste de vice-ministre de la Défense nationale au chef de l'état-major de l'armée. Plus fondamentalement, il réorganise la hiérarchie militaire pour ramener la décision politique à la présidence de la République. D'une part, le ministère délégué à la Défense nationale, un poste aux larges prérogatives, créé en 2005 par le président Bouteflika, est supprimé au profit du poste de vice-ministre de la Défense. D'autre part, il réorganise et restructure le puissant appareil du DRS pour le rendre sous l'autorité de la hiérarchie militaire, du ministre de la Défense, en l'occurrence du président de la République. Il crée aussi l'Inspection générale de l'armée, institution disparue depuis plus de vingt ans. Un mouvement des cadres supérieurs dans l'administration et la diplomatie ainsi que dans les services de renseignement est également opéré. Ce mouvement sera suivi par un autre mouvement lors de la cérémonie du 1er Novembre 2013. Tous ces changements n'ont pas eu lieu, selon toute vraisemblance, sans avoir fait l'objet d'âpres négociations avec la hiérarchie militaire et d'autres acteurs. Si cette réformette vise à supprimer la dualité entre pouvoir formel et informel pour aboutir à «L'Etat, c'est moi», elle consolide toutefois l'approche sécuritaire au détriment de l'approche politique. Tout laisse à croire que ce coup de force vise éventuellement le contrôle des appareils institutionnel, sécuritaire et électoral pour pérenniser le pouvoir du groupe dominant et le statu quo. L'Algérie a beaucoup plus besoin, face aux nouveaux défis, d'une profonde réforme du secteur sécuritaire que d'une réorganisation cosmétique de l'échiquier sécuritaire. En revanche, aujourd'hui, un groupe d'intérêts au sein de la classe politique souhaite, semble-t-il, une ouverture du système politique de l'intérieur en faisant prévaloir l'article 88 de la constitution. Mais aucun groupe politique ou dirigeant ne s'est distingué par une action concrète pouvant aboutir à «déverrouiller» le système. «Wait and see» dans les «salons feutrés de prédation» semble être la posture adoptée par l'opposition disparate. Semer le pétrole pour récolter «la paix des braves» semble être une stratégie payante à la longue. Toutefois, l'implosion sociale qui guette la périphérie des grandes agglomérations ne risque-t-elle pas, si elle venait à se produire, à briser définitivement l'impasse dans laquelle se trouve figé le système de prédation ? Dans ce cas de figure, les forces de sécurité vont-elles réagir, comme ce fut le cas lors des événements d'octobre 1988 ? Il semble que l'appareil policier, à lui seul, comptant quelque 200 000 agents, bien entraînés et suréquipés, est en mesure de faire face au mécontentement à la «société précaire», la génération «hors système». Mais l'Algérie résiste contre vents et marées, elle est en mouvement.