Maîtrisant parfaitement les techniques de l'information, ils avaient réussi à faire basculer l'opinion américaine en faveur du Front de libération nationale (FLN). Les combattants algériens bénéficiaient ainsi du soutien de la part des syndicats, notamment les très populaires AFL-CIO, qui allait en contradiction avec la politique officielle américaine. Le sénateur J.F. Kennedy donnait un discours mémorable en faveur de l'indépendance de l'Algérie. Et la question algérienne alimentait régulièrement les journaux télévisés américains. Les deux hommes du FLN ont réussi à inverser la vapeur. Une tâche d'autant plus difficile que la France se justifiait alors en disant qu'il ne s'agissait pas de guerre coloniale mais d'un épisode «de lutte anticommuniste». Dès 1957, un certain scepticisme commençait à émerger au sein des Américains. Tout en récusant toute collusion avec le communisme, Chanderli et Yazid axent leur argumentaire sur les similitudes entre la révolution algérienne et la révolution américaine. Le fait est que l'opposition au colonialisme est un des «mythes fondateurs» de la nation américaine. Dans les brochures, les Algériens rapprochaient les révolutions algérienne et américaine afin d'établir une similitude entre elles : «une révolution par le peuple et pour le peuple». Puis, ils menèrent une campagne visant les médias afin de rompre le silence sur la guerre d'Algérie. Selon Hervé Alphant, représentant de la France à l'ONU, durant le mois de juin, «en une semaine M'hammed Yazid avait paru deux fois sur les écrans de télévision et s'était fait entendre quelques minutes au cours de l'émission que la chaîne de radio télévision CBS avait consacrée à la question algérienne le 16 juin». De son côté, Abdelkader Chanderli menait un travail de lobbying auprès des médias et du Congrès américain. «Il débordait d'activité pour créer, au sein de l'ONU, un mouvement d'opinion favorable à l'ouverture de négociations sur l'affaire algérienne (…) Chanderli semblait au courant de la teneur du discours avant qu'il soit prononcé», peut-on lire dans l'ouvrage J.F. Kennedy, le Maghreb et la France de Fredj Maatoug et Jacques Thobie. A en croire Yves Courrière, Abdelkader Chanderli déjeunait régulièrement avec un jeune sénateur, portant le nom de John Fitzgerald Kennedy, dont il était devenu, dit-on, un ami intime.