«L'islam n'est pas forcément incompatible avec les droits de la femme, revendique-t-elle, et le port du voile peut émaner d'un choix personnel.» A travers ces déclarations d'intention, Sherkat fait part d'une ruse qui permettrait à des femmes confrontées à des régimes islamistes rigoristes de lutter pour leurs droits tout en ayant une couverture de légitimité théologique. Cependant, ce mouvement ne sera pas moins décrié par les tenants officiels de l'orthodoxie musulmane et des courants wahhabites qui qualifieront des femmes comme Amina Wadoud, féministe islamique américaine et savante, d'«hérétique» et ses disciples de «serpillères de l'Occident». «Une approche qui revendique un féminisme interne à l'islam, et qui vise à une modification des rapports entre hommes et femmes au sein de la religion musulmane en se fondant sur une réinterprétation des textes sacrés.» Voilà à quoi pourrait répondre la définition de ce féminisme islamique. Ce mouvement a toujours été assimilé à un féminisme laïc, puisqu'organisé, à l'instar de son berceau de pays en décolonisation et se réclamant de la laïcité, autour d'un discours nationaliste prônant l'égalité de tous les citoyens sans considération de sexe ou de race, et protégeant l'affiliation religieuse comme un élément parmi d'autres de l'identité-légitimée par l'exégèse théologique moderne. Le féminisme islamique, qui constituait un élan progressiste dans son contexte historique, sera toujours limité par son déterminisme congénital : la composition et la transaction avec le théologique. Le théologique revisité, la question est de savoir si le socle du féminisme islamique est destiné à être le plafond implacable et indépassable condamnant le féminisme islamique à une impossibilité d'évolution historique ? Le féminisme dit islamique aboutit à un code de la famille moderne et novateur, avec toutefois des failles si l'on se réfère à l'idéal d'égalité absolue entre les sexes : les versets coraniques clairs, non «modérés» par des hadiths postérieurs, ne seront pas objet d'émancipation, ainsi la femme musulmane demeure, malgré l'élan progressiste, l'inégale de l'homme dans divers domaines conformément à la charia. On en retient des inégalités dans de nombreux domaines, l'inégalité dans l'héritage, le poids testimonial, le déni de qualité de chef de famille, l'interdiction du mariage avec un non-musulman, la violence conjugale comme outil de dressage. Les modernistes qui prônent le féminisme islamique ne considèrent pas le Coran comme un texte définitif, mais comme «une parole ou un texte en cours». Il va sans dire que ces lectures sont fortement décriées et considérées comme hérétiques par le courant wahhabite dominant. Les problèmes économiques, la montée des nationalismes, le repli identitaire favorisant le communautarisme et le racisme préparent le terrain idéologique propice à l'émergence de courants politiques à référent identitaire. Cette sorte de réformisme islamique est-il l'outil idoine pour promouvoir l'égalité des genres dans ces sociétés musulmanes où la légitimation de la domination de la femme par l'homme s'est toujours faite à travers le corpus idéologique de l'islam ? Telle est la question que posent les pourfendeurs et les sceptiques quant au concept du féminisme islamique. Ce qui dérange ? Le nouveau ton politiquement correct de l'islamo- progressisme ou islamo-gauchisme qui traite d'éradicateurs et d'islamophobes toute personne de l'intérieur de la sphère musulmane s'aventurant à critiquer une initiative islamique. Tout de même, les réussites de ce féminisme sont irréfutables et ont bien permis l'aquisition de quelques droits : accession des femmes bahreinites au droit de vote en 2002, accession des Kowitiennes au même droit en 2005 et adoption de systèmes de quotas pour permettre la représentation féminine dans les corps élus dans plusieurs Etats arabes (Irak, Jordanie, Koweit, Tunisie).