Ce document de référence, produit depuis dix ans à l'occasion de l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme correspondant au 10 décembre, constate une nouvelle fois la dégradation de la situation politique et sociale et celle des droits de l'homme dans notre pays. Politique d'abord. La Ligue présidée par maître Boudjemaâ Ghechir estime que la corruption, le népotisme, le clanisme et le tribalisme ont été érigés en système de gouvernance. «La sphère politique est un domaine réservé, exclu de la compétition, dénué de règles, vicié par le pouvoir personnel ; les pouvoirs ne sont pas séparés, ils s'interpénètrent.» Les administrations publiques ont peu de respect pour les éléments de la bonne gouvernance ; elles ne rendent pas compte de leurs actions et ne travaillent pas dans la transparence, estime la Ligue. «Dans notre pays, l'accès à l'information pour les citoyens ou leurs représentants n'est pas assuré. Dans la plupart des secteurs, il est quasiment impossible pour un chercheur, un journaliste ou un élu d'accéder aux bases de données d'un ministère quelconque ou d'une entreprise nationale.» L'état actuel des choses ne peut s'accommoder de la gouvernance et encore moins de la bonne gouvernance, ce qui influe négativement sur la jouissance des droits de l'homme, conclut le rapport à ce sujet. Au chapitre des droits humains, la situation n'est guère meilleure, selon la LADH. Peut-on parler de droit à la vie dans un pays où les besoins élémentaires, comme la sécurité, manquent ? «La violence est très perceptible dans notre société ; il ne se passe pas un jour sans son lot de vols, braquages à l'arme blanche, kidnappings d'enfants… (…) la prolifération des gangs, les batailles rangées entre bandes rivales», lit-on dans le document, dont les rédacteurs se disent «préoccupés» par l'insuffisance de l'action des services de sécurité. Absence de volonté politique Contrairement aux beaux discours des responsables, le droit à l'information est toujours bafoué. Le rapport relève aussi la persécution des défenseurs des droits humains, l'obstruction au droit de manifester et l'emploi de la force contre les manifestants. «A l'occasion des derniers événements qui ont secoué la ville de Guerrara, la police a utilisé la force contre les manifestants. Des citoyens ont été maltraités, humiliés, insultés et même torturés lors de leur arrestation et de leur détention au siège de la sûreté de daïra de cette ville.» Idem pour les libertés d'opinion et d'expression : «L'affaire Aboud Hicham a démontré clairement l'existence de l'imprimatur. Pour une caricature ni finie, ni signée, ni publiée, Ghanem Djamel s'est retrouvé sous contrôle judiciaire pour un dessin portant quelque insinuation sur la maladie du président de la République et sa volonté de briguer un quatrième mandat.» Le rapport s'étale aussi et s'indigne de la montée de la violence à l'égard des femmes, rappelant que la loi, dans notre pays, n'accorde pas le statut de victime aux femmes violées par les groupes armés. La LADH regrette aussi la dépendance de l'appareil judiciaire : «Malheureusement, la justice dans notre pays est toujours sous tutelle du pouvoir politique. Elle a démontré clairement son incapacité à protéger les droits et libertés des citoyens et a affirmé ses faiblesses face à la corruption et au détournement de l'argent public. Expéditive, elle cherche la quantité au détriment de la qualité des jugements.» Constat amer aussi face à ce problème majeur utilisé comme un «instrument du pouvoir». La LADH partage avec d'autres acteurs de la société civile l'idée que la corruption prolifère surtout à cause du manque de volonté politique de venir à bout de ce fléau.