L'Algérie a décidé de développer ses réserves d'hydrocarbures non conventionnels à court terme. C'est ce qui ressort de la déclaration faite hier par le président de l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft). Après l'annonce officielle faite par le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, en septembre dernier, le président d'Alnaft, Sid Ali Betata, a déclaré hier à l'APS qu'une task-force a examiné et sélectionné des périmètres de réserves tight qui pourraient faire l'objet d'un projet de développement, en vue d'une cession dans le cadre d'un appel à la concurrence. Il faut rappeler qu'en septembre dernier, lors de journées d'étude sur les tight & shale, le ministre de l'Energie et des Mines avait indiqué : «Nous sommes assez avancés pour proposer des projets concrets d'hydrocarbures.» «Nous avons déjà identifié des blocs pour l'exploration des shale gas et nous avons demandé, conformément à la loi sur les hydrocarbures, les accords nécessaires pour le lancement de ce type de projets», a-t-il ajouté. Au cours du même événement, le ministre avait déclaré que le développement des hydrocarbures non conventionnels, notamment le gaz de schiste, est un projet incontournable pour l'Algérie. Alnaft a déjà sélectionné des périmètres L'annonce du président d'Alnaft vient officialiser, en quelque sorte, la décision de valoriser le potentiel en hydrocarbures non conventionnels, puisqu'il s'agit de périmètres identifiés qui seront proposés au partenariat entre Sonatrach et les compagnies internationales dans quelques semaines. Dans la déclaration de M. Betata, il est fait référence aux réserves de tight uniquement. Ce qui suppose que la décision a été prise de développer, dans un premier stade, les tight qui sont moins difficiles d'approche que les shale, même s'ils nécessitent la fracturation hydraulique. Les hydrocarbures non conventionnels tight diffèrent des shale par la nature de leur caractéristique géologique. Les tight sont situés dans des réservoirs ultra compacts à porosité et à perméabilité très faibles. Les shale sont situées dans la roche mère, considérée comme peu perméable, et encore plus difficiles à extraire que les tight. Mais les deux nécessitent la fracturation hydraulique, une méthode qui est décriée sur le plan environnemental mais aussi sur la grande consommation d'eau qui sera induite par cette technologie. Pour répondre aux critiques sur l'utilisation de la fracturation hydraulique, le gouvernement a ajouté une disposition dans la loi. Dans la nouvelle loi sur les hydrocarbures, il a été inséré un article (le 23 bis) qui stipule que «l'exercice des activités relatives à l'exploitation des formations géologiques argileuses et/ou schisteuses imperméables ou à très faible perméabilité (gaz ou huile de schiste) utilisant les techniques de fracturation hydraulique est soumis à l'approbation du Conseil des ministres». Lors de la préparation de la nouvelle loi qui prend en compte la valorisation des réserves d'hydrocarbures non conventionnels, la fracturation hydraulique avait focalisé l'attention. La fracturation hydraulique en litige Pour répondre aux critiques, le gouvernement avait avancé comme arguments «la nécessité de renouveler les réserves d'hydrocarbures pour assurer la sécurité énergétique du pays à moyen et long termes». C'est le principal argument qui aurait imposé cette révision qui doit aussi permettre non seulement d'attirer des investissements, mais aussi les nouvelles technologies qui permettent d'augmenter les réserves prouvées d'hydrocarbures. Parallèlement à l'introduction de la valorisation des réserves d'hydrocarbures non conventionnels, le gouvernement avait apporté des modifications sur le plan de la fiscalité. Le gouvernement a modifié la méthodologie de détermination du taux de la taxe sur le revenu pétrolier (TRP) qui est désormais basée sur la rentabilité du projet au lieu du chiffre d'affaires. Cette révision évitera de pénaliser les compagnies qui vont investir dans la recherche et la production des hydrocarbures dans la mesure où, vu l'augmentation des coûts d'investissement ces dernières années, une compagnie qui accepte «le risque géologique» pouvait être pénalisée au fur et à mesure que son chiffre d'affaires augmentait et notamment ses investissements. Cette méthode de détermination de la fiscalité a quelque peu freiné les investissements dans l'exploration. Dans beaucoup de pays, des changements dans la législation sont opérés pour attirer ces investissements et l'Algérie ne pouvait échapper à ce mouvement. Selon le gouvernement, l'Algérie ne pouvait pas ignorer les immenses réserves d'hydrocarbures non conventionnelles au moment où les Etats-Unis par exemple opéraient une révolution en la matière et commencent à acquérir leur indépendance énergétique en faisant reculer substantiellement les importations de pétrole après avoir suspendu leurs importations de gaz naturel en développant la production du gaz de schiste. Il faut savoir que l'Algérie dispose des troisièmes réserves de gaz de schiste dans le monde et se place devant les Etats-Unis. Actuellement, elles sont estimées à 700 TCF, soit environ 20 000 milliards de mètres cubes. Le 3e potentiel mondial Selon le département américain de l'Energie, l'Algérie est en troisième position derrière la Chine et l'Argentine, mais devant les USA. A titre d'exemple, les réserves de gaz naturel conventionnel de l'Algérie sont estimées à 4500 milliards de mètres cubes. Dans une déclaration faite au mois d'octobre à l'agence Bloomberg, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, avait indiqué que «les réserves de tight gas étaient situées entre 300 et 500 TCF, soit entre 8400 et 14000 milliards de mètres cubes. Ces réserves devraient s'ajouter à celles des shale gas. Plusieurs découvertes ont été faites cette année et les estimations n'ont pas encore été communiquées». Mais il semblerait qu'elles soient importantes et elles devraient encore renforcer les réserves. Il faut préciser par exemple que la récente découverte d'un gisement de pétrole de 1,3 milliard de barils près de Hassi Messaoud annoncée en octobre est du tight oil (pétrole situé dans un réservoir ultracompact). Et sa valorisation nécessitera la fracturation hydraulique. A titre de comparaison, les réserves de pétrole conventionnel sont estimées à 12,2 milliards de barils. Si selon le président d'Alnaft, «la volonté d'investir dans l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels a été exprimée particulièrement par les compagnies détenant une expérience et un savoir-faire en la matière» lors des rencontres d'échanges organisées, il reste que depuis la promulgation de la nouvelle loi en février 2013, aucun texte d'application n'a été promulgué.