L'idée n'est pas neuve, mais elle est originale. Le 1er mai 2006, un vaste mouvement de boycott économique était lancé par les populations d'origine hispanique aux Etats-Unis. Le principe est simple : ne pas aller travailler, ne pas aller à l'école, ne rien acheter et ne rien vendre. Pendant 24 heures. L'objectif ? Démontrer le rôle de l'immigration dans la bonne marche de la vie économique du pays. Résultat : des usines contraintes de stopper temporairement leur production et, le même jour, près de deux millions d'immigrés manifestaient dans les rues de Los Angeles. C'est cette « journée sans immigrés » que Nadia Lamarkbi veut reproduire en France. L'idée lui est venue après la polémique sur les propos du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, lors des universités d'été de l'UMP. « Ça a été le déclic », confirme cette journaliste franco-marocaine de 35 ans, qui « depuis longtemps » avait « le désir d'agir contre le mépris » vis-à-vis des populations immigrées. Rapidement, un collectif se crée pour promouvoir cette idée. Un site internet et un blog sont mis en place. Et la mayonnaise prend. La page Facebook de « la journée sans immigrés » compte déjà près de 5000 membres et 10 comités locaux ont vu le jour. La journée « 24 heures sans immigrés » aura lieu le 1er mars 2010. Une date symbolique puisqu'elle marque le cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), qui instaurait une immigration « choisie » sur des critères économiques. « Nous voulons marquer les esprits et faire en sorte que le regard qu'on porte sur les immigrés change en France. Aujourd'hui, le mot ‘‘immigré'' est quasiment devenu une insulte. Ce n'est pas normal », explique Nadir Dendoune, porte-parole du collectif. Si le mouvement est principalement destiné « aux immigrés et à leurs descendants, tous les non-immigrés solidaires et conscients de l'apport des immigrations à la croissance de notre pays peuvent aussi participer au boycott. Blacks, Blancs, Beurs, de gauche, de droite , cela doit être une cause nationale. Nous avons même envoyé une invitation à Nicolas Sarkozy. En tant que fils d'immigré, il doit se sentir concerné », ironise le journaliste. Dans la charte, publiée sur son site internet, le collectif assure vouloir « garantir une action indépendante en refusant et en se prémunissant de toute tentative de récupération ». Mais ses membres savent que l'appui des politiques et des associations est « nécessaire pour que l'initiative fonctionne », admet Nadir Dendoune. « Nous avons déjà été contactés à de nombreuses reprises par des hommes politiques et des syndicats. Nous allons négocier avec eux. Tout en conservant notre indépendance ». Le député socialiste de Seine-Saint-Denis, Daniel Goldberg, a déjà apporté son soutien au projet : il regrette que des Français de la deuxième ou de la troisième génération « soient encore vus comme des étrangers ». Et le Réseau éducation sans frontières (RESF) pourrait aussi répondre présent. Son président, Richard Moyon, se félicite d'ailleurs de « l'élargissement récent de la palette d'actions sur la question de l'immigration ». Une réaction, selon lui, « à la politique xénophobe menée par le gouvernement ». Interrogé sur cette initiative au Talk Orange-Le Figaro, Eric Besson a répondu : « Ne créons pas des épouvantails qui n'existent pas. » Et le ministre de l'Immigration d'ajouter : « Ce n'est pas la peine d'inventer une stigmatisation ».