En dépit de l'opération de solidarité « Un mouton pour chaque famille », « plusieurs pères de famille n'ont pas fait le sacrifice du prophète Abraham. Et l'on entend ce genre de réflexions : « Cette année je vais devoir me passer du mouton, je n'en ai pas les moyens. Il est inabordable, excessif, trop cher, etc. », et tant d'autres, abondant partout, particulièrement aux abords des marchés d'ovins improvisés par les éleveurs et maquignons à Annaba. Aux abords des routes d'El Chatt, de Sidi Salem, de la Seybouse, de Sidi Harb, du Téléphérique, de Boukhadra, stationnent des dizaines de camions utilitaires chargés de moutons. Ils proviennent principalement d'El Tarf, Oum El Bouaghi, de Tébessa, Batna et Khenchela. Plus nombreux que les acheteurs au détail, les éleveurs ou maquignons sont sollicités dès leur arrivée par les spéculateurs qui s'accaparent de tout le cheptel mis en vente. Rusés, les premiers comme les seconds s'accordent le temps de « mesurer le pouls » du souk pour fixer leurs prix à la vente et à l'achat. D'autant plus que la majorité des habitants de la wilaya a été occupée par les évènements de la qualification de l'équipe nationale au Mondial. Pas moins de 30 000 DA le prix de gros d'une bête sur pied d'à peine une douzaine de kilos. Ce qui n'est pas fait pour faire fuir les revendeurs, d'où la formation de duos (maquignons-revendeurs) pour de brèves négociations sur les prix au gros. Dans ces souks, chacun s'improvise qui éleveur ou maquignon, et qui gardien de voitures, transporteur, vendeur de cordes et de foin, etc. Dans les cités et quartiers, les troupeaux d'ovins font partie du décor. L'interdiction d'accès de jour faite aux poids lourds a entraîné la transformation de caves et garages en écuries. Sous les bâtiments ou devant certaines demeures, les enclos se sont multipliés. Cette interdiction est une bonne affaire pour les gérants de souks qui perçoivent 50 DA sur chaque mouton et 200 DA pour chaque bovin destiné à la vente. Les délinquants sont nombreux à être aux aguets. En plus de « faire les poches des pères de famille », ils visent également gros en ciblant les conducteurs de camions chargés d'ovins. Sous la menace d'armes blanches, ils s'emparent du véhicule avec son chargement pour revendre celui-ci à bas prix quelques kilomètres plus loin. Le petit consommateur venu acquérir son mouton de l'Aïd représente, aussi bien pour les éleveurs, maquignons et spéculateurs que pour les délinquants, le pigeon à plumer.