L'enquête judiciaire sur l'affaire Sonatrach II ne semble pas connaître son épilogue, sauf peut-être pour l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, qui a bénéficié de l'annulation de certains actes de la procédure liés au mandat d'arrêt international lancé à son encontre par le juge d'instruction du pôle pénal spécialisé près la cour d'Alger, et qui de fait ne peut plus être exécuté. Selon des sources judiciaires, le magistrat a cependant maintenu le mandat d'arrêt contre l'épouse de l'ancien ministre ainsi que ses deux enfants, contre lesquels «des preuves probantes» de leur implication se trouvent dans le dossier. «En fait, les commissions rogatoires délivrées par le juge à la justice italienne, française, suisse et sud-coréenne ont apporté des preuves sur les enfants et l'épouse de Chakib Khelil, mais pas sur ce dernier. Certains ont même fait état de vice de procédure. Or, ce n'est pas le cas. Le juge d'instruction savait très bien ce qu'il faisait. Chakib Khelil était poursuivi pour des faits commis durant la période où il occupait le poste de PDG. Ces faits reposent sur des déclarations de certains prévenus poursuivis dans le cadre de la même affaire que ce soit en Algérie ou à l'étranger», expliquent nos sources. Ministre et pdg Celles-ci évoquent aussi des pressions exercées sur le juge d'instruction par des «parties» extrajudiciaires, sans les identifier, pour justement annuler totalement le mandat d'arrêt international et par conséquence les poursuites engagées contre l'ancien ministre de l'Energie. «Il est vrai que le juge a dû subir d'énormes pressions pour annuler toute la procédure engagée contre Chakib Khelil, sous prétexte qu'il y a eu vice de procédure, en raison de sa qualité de ministre, qui relève de la Cour suprême. Mais le magistrat ne peut pas commette ce genre d'erreur. Le juge jouit d'une bonne réputation et les dossiers qu'il traite sont souvent extrêmement importants. Il n'a pas droit à l'erreur. Raison pour laquelle, il a effectivement annulé certains actes, mais pas la procédure. Quelles que soient les mesures qui seront prises, elles ne peuvent être effacées d'un coup de main. Un jour ou l'autre, il faudra bien qu'elle soit achevée, et Chakib Khelil sera obligé d'expliquer le contenu des documents trouvés lors des perquisitions effectuées par la police judiciaire dans ses domiciles. Des documents qui, certes, ne constituent pas des preuves pour l'instant, mais qui peuvent être utilisés comme indices pour la traçabilité de certaines opérations financières non encore élucidées», dénoncent nos interlocuteurs. Ceux-ci révèlent par ailleurs que le juge d'instruction a criminalisé le dossier en ajoutant l'accusation «d'association de malfaiteurs», alors qu'au début l'affaire était plutôt correctionnelle puisque les prévenus étaient poursuivis pour «corruption», «trafic d'influence» et «blanchiment d'argent». BLACK-OUT Cette mesure a été prise à quelques jours de l'expiration du délai du renouvellement du mandat de dépôt contre Nouria Meliani, la patronne du bureau d'études privé CAD, qui a obtenu le marché de réfection de l'ancien siège de Sonatrach situé à Ghermoul, à Alger. «Le juge ne pouvait plus aller au-delà des dix huit mois de détention provisoire. Il n'avait aucune raison de maintenir en détention la prévenue, sauf s'il lui ajoute une autre inculpation criminelle. Or, dans le dossier il n'y a rien de nouveau qui justifie une telle décision, qui constitue tout simplement un abus», affirment des sources judiciaires. Un avis que partage totalement un membre du collectif de la défense de Meliani, qui s'étonne de ce qu'il juge «de grave violation des droits individuels». Du côté du pôle pénal, c'est le black-out total. Aucune information n'est possible à avoir sur les décisions du juge. Pour l'instant, nous savons que plusieurs personnes sont poursuivies dans le cadre de cette affaire, parmi lesquelles, Réda Hameche, homme de confiance de Chakib Khelil, et ex-chef de cabinet de l'ancien PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, ainsi que Abdelmadjid Attar, ancien ministre des Ressources en eau et ex-PDG de Sonatrach, Chawki Rahal, ex-vice-président de Sonatrach, qui dirigeait le bureau de la compagnie à Londres et par où d'importantes quantités de pétrole ont été vendues clandestinement par le truchement de sociétés offshores, domiciliées entre autres en Corée du Sud. Plus de 17 opérations de perquisition ont été effectuées dans de nombreux sites, et permis la collecte d'importantes informations. Reste à savoir comment le juge opérera afin de faire son travail en son âme et conscience, pour faire en sorte que toute la vérité et rien que la vérité soit dite au sujet de cette grande dilapidation des deniers de l'Etat afin que les responsables et ceux qui les parrainent ou les protègent répondent de leurs actes devant les tribunaux algériens, avant qu'ils ne soient rattrapés par la justice des autres pays.