Du côté de l'autoroute amorçant la cité Daksi Abdesslem, groupement d'habitats ayant vu le jour à la fin des années 1970, l'on est agréablement surpris par ces coquets buildings, ces façades d'immeubles fleuries et bien entretenues, croyant être au cœur de la civilisation. Des infrastructures administratives longent de part et d'autre le boulevard Allaoua Benbaâtouche : wilaya, banque, clinique rénale, laboratoires privés, poste, commissariat, mairie… de belles bâtisses en somme, notamment celle du siège de la wilaya, flambant neuf, qui donnent l'impression d'avoir été télétransportées d'un autre monde. Mais au fur et à mesure qu'on avance, l'on déchante. « L'état du quartier n'est pas à la hauteur des ambitions affichées, sinon comment expliquer cette fausse note d'un quartier décrépit accueillant de grandes infrastructures ? », s'interrogent des habitants. Les lieux finissent par ressembler à un labyrinthe, complètement déviés de leur conception initiale. Les constructions anarchiques poussent ça et là, comme des champignons ; si elles n'émergent pas des immeubles mêmes, (balcons et chambres au rez-de-chaussée transformées en magasins d'alimentation, pâtisserie et prêt-à-porter) elles investissent allègrement tous les espaces libres censés embellir et aérer la cité, à l'image des aires de jeux devenus des cafés et boutiques, ne laissant pas le moindre petit bout de verdure. Tout est envahi par le béton. Un médecin exerçant dans la cité se dit « éberlué par cet état de choses ». Un pharmacien d'officine abonde dans le même sens : « Nous ne comprenons pas comment ces gens ont pu avoir l'aval pour faire leur propre loi et opérer des transformations surréalistes ? Sont-ils libres à ce point ? Ont-ils le droit de priver nos enfants d'espaces verts et aires de jeux ? » A ces anomalies un peu trop nombreuses, s'ajoutent les chaussées défoncées et embourbées à cause des eaux stagnantes, des trottoirs cassés et encroûtés, en plus des détritus éparpillés aux quatre coins, accentuant l'air miséreux de ce grand quartier de tous les paradoxes. Derrière une belle devanture, se cache donc le vrai visage de la cité : hideux et grimaçant. A qui incombe la responsabilité de ce gâchis ? Au citoyen ? Qui l'a laissé faire, et à quelles fins ? Les immeubles sont repoussants de saleté, sans parler des ordures ménagères s'empilant partout sans générer la moindre réaction. Ici se côtoient, le plus normalement du monde, les êtres humains et le bétail. L'anarchie est à son acmé. Pourtant des jeunes du quartier, apparemment oisifs, continuent de répéter à l'envi : « One two three, viva l'Algérie ! » Beaucoup d'entre eux s'adonnent au commerce informel avec des étals de fortune au niveau du rond-point (tout cet endroit est appelé Brazilia par les habitants) et sur toutes les rues inférieures, qui représentent réellement l'envers du décor. D'un côté la prospérité et de l'autre la décrépitude et la malvie ! Ces bâtiments dits de type « économique », ou Daksi II, érigés derrière, et après ceux de Daksi I (grand standing), jouxtés par les sinistres immeubles de Daksi III, sans balcons, au point où leurs occupants font sécher leur linge dehors, sur des barrières de fortune, n'ont fait l'objet d'aucune réfection, et ce depuis plus de trois décennies. Une bonne partie de cette cité géante et incontournable sur tous les plans devrait être inscrite dans les projets de réhabilitation, car à ce stade, elle est devenue la plaie de l'ensemble de l'agglomération.