L'onde de choc suisse n'a pas fini de faire valser les certitudes françaises l On en est là, dans la méfiance. Chacun doute de l'autre. La parole s'est libérée. La haine a déferlé. Il ne fait pas bon d'être musulman en France, ni en Europe, aujourd'hui. Encore que cet adjectif se trouve assigné à endosser une identité multiforme. Qui est le musulman ? C'est l'Autre, cet étranger qui menacerait l'identité nationale française. Parce que le débat est obsessionnel. Parce que les Français sont sommés de douter de leur identité. Burqa, voile, minaret, Iran, banlieue… Comme il est engagé, le débat voulu par la droite, à l'approche des élections régionales, échappe à son créateur. L'UMP, parti au pouvoir, se mord les doigts. En alimentant la « bête », il a redonné vie à l'extrême-droite. Le Front national en a profité pour s'y engouffrer. Suffocant le climat en France pour les étrangers. Pas tous, les Noirs et les Arabes. Bien appuyer sur le « A » pour sentir tout le mépris, la xénophobie. A quoi ressemble un musulman aujourd'hui ? A un juif, dans les années 30. La rhétorique est la même, les discours se ressemblent étrangement. Oui, mille fois oui, malgré les dénégations molles des responsables de la droite, il y a un air d'exclusion dans cette France apeurée. Ou priée de l'être. L'intégration ? Quelle intégration ? C'est un niqab d'humiliation qui est jeté sur tous ces Français de troisième ou de quatrième génération pour des calculs bassement politiciens. A ceux qui réclament plus de France, plus d'amour, osons le mot, le discours officiel n'a qu'une seule réponse : pas assez français, trop musulmans, trop… tout. Mais pas assez intégrés. Ils se retrouvent cantonnés à jouer le rôle d'épouvantail, qu'on ressort à chaque élection. Et l'on reparle d'excision, de polygamie, de minaret, du mouton dans la baignoire. L'onde de choc suisse n'a pas fini de faire valser les certitudes françaises. Et les démocrates « musulmans », qu'ils soient laïques, agnostiques, ou pratiquants ? A force de désespérer de cette France méconnaissable, qui a tourné le dos à toutes ses valeurs, qui insulte ses plus belles inventions, la Déclaration des droits de l'homme et la laïcité risquent eux aussi de divorcer de la République. On en est là, dans la méfiance. Chacun doute de l'autre. On a vu les ravages de l'« ivoirité » en Afrique de l'Ouest. On commence juste à réaliser les dégâts de la « francité ». Et il est peut-être trop tard.