Or, si dans une économie de marché toutes les activités économiques sont subordonnées à la réalisation d'un bénéfice, la crise actuelle de la dette qui secoue l'Europe et les Etats-Unis nous contraint à adopter une stratégie de rigueur : il est souhaitable que le budget de l'Etat obéisse désormais à une obligation de résultat et non pas de moyens. Il est préférable d'opter pour une nouvelle architecture budgétaire, une nouvelle constitution financière dans laquelle les missions-programmes et actions se substituent aux traditionnels chapitres et articles, dont le but est d'accroître la lisibilité et donc la transparence du budget de l'Etat. Les ministères dépensiers auront donc à définir des politiques au moyen de «missions» et fixer des objectifs dans le cadre de «programmes» ; une telle démarche nécessite d'importantes capacités d'expertise et de prospectives. Jusqu'à présent, le budget était présenté par type de dépenses (fonctionnement, investissements…). Or, cette nouvelle architecture budgétaire refléterait mieux les différentes politiques publiques et permet à chacun, et notamment aux parlementaires, de mieux apprécier l'ensemble des moyens mobilisés pour mettre en œuvre les politiques de l'Etat. Il serait désormais plus logique que les dépenses budgétaires dans le cadre de la loi de finances soient votées par programme, il ne s'agit pas de présenter un simple devis pour le vote. «Un programme est un ensemble d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de l'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation» . Désormais, les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l'Etat seront regroupés par mission relevant d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères. «Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie». Et dans l'hypothèse où les crédits ne peuvent correspondre à une «politique», à l'image des crédits des pouvoirs publics ou des dépenses accidentelles, ils seront regroupés sous forme de «dotations». Ainsi, chaque programme retrace un ensemble cohérent d'actions et constitue une enveloppe globale de crédits, confiée à un responsable désigné par le ministre concerné. Cela permet de responsabiliser les gestionnaires en leur accordant de réelles possibilités d'arbitrage dans un souci d'optimisation de la gestion.Cette responsabilisation accrue va de pair avec la définition d'objectifs et d'indicateurs de résultats qui permettent de mesurer de façon objective la performance de l'action publique. Il faut prévoir une comptabilité (budgétaire) par programme (avec calculs des résultats selon les indicateurs retenus). Cette nouvelle architecture budgétaire constitue un levier puissant de la modernisation de l'Etat, permettant de basculer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Elle se traduira, pour l'ensemble des services de l'Etat, par une réflexion sur la pertinence des actions à conduire. Bien sûr, il faudra des experts-comptables pour accompagner cette révolution : – en matière de définition des périmètres de gestion pertinents, avec la définition des missions et programmes traduisant la structuration des grands domaines d'action de l'Etat ; – avec la mise en place des Budgets opérationnels de programme (BOP), structures de programmation et de gestion conformes au cadre rénové ; – en matière d'information financière et comptable, avec la mise en place progressive de systèmes d'information permettant de valoriser toutes les possibilités de la gestion en mode (nouvelle architecture budgétaire), et notamment la fongibilité des crédits ; avec le lancement des audits budgétaires. La Direction du budget, cheville ouvrière de la mise en œuvre du budget de l'Etat, est appelée à retravailler son organisation et les finalités de son action par le passage à la nouvelle architecture budgétaire. A cette fin, elle doit engager une réflexion en profondeur sur sa mission et sur son positionnement. – Développer une culture de réseau pour faire évoluer les relations de la Direction du budget avec son environnement : avec une responsabilité renforcée des gestionnaires, la Direction du budget ne peut plus être la seule à porter la contrainte financière. C'est dans ce cadre qu'elle développe des relations de partenariat avec les directeurs financiers et responsables de programme, tout en s'appuyant sur le réseau des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels et des contrôleurs financiers ; – être le garant de la transparence budgétaire et de l'objectif de performance, en faisant évoluer les outils et les méthodes mis en place par la nouvelle loi organique (justification au premier dinar, analyse des coûts, modes de budgétisation…) dans un souci de meilleure transparence de l'utilisation des fonds publics et d'amélioration de l'exercice du contrôle parlementaire ; – développer la capacité d'analyse stratégique de la direction et la focaliser sur des sujets à forts enjeux, par exemple en suscitant un dialogue avec les ministères sur leurs stratégies sectorielles et en renforçant les liens avec des partenaires extérieurs (universitaires, chercheurs, réseau international…) susceptibles d'alimenter la réflexion ; – développer une vision pluriannuelle pour favoriser une réflexion de long terme sur les finances publiques et faire en sorte qu'elle nourrisse les arbitrages annuels réalisés par le Gouvernement ; – enfin, améliorer les conditions du pilotage des finances publiques dans leur ensemble et mieux intégrer en liaison avec la direction de la législation fiscale. L'ensemble de cet agenda trace une perspective de profond renouvellement pour la Direction du budget dans son rôle traditionnel de conseil et d'expertise financière, au service du ministre en charge des finances et de l'ensemble du gouvernement.