Le meeting qu'a animé Ahmed Ouyahia, hier à Tizi Ouzou, dans le cadre de la campagne électorale au profit du président-candidat, Abdelaziz Bouteflika, s'est déroulé sous haute surveillance policière. Un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé dans la ville et même sa périphérie pour sécuriser cette rencontre. Les alentours de la maison de la culture, lieu du meeting, étaient entièrement quadrillés dès les premières heures de la matinée. Au centre-ville de la capitale du Djurdjura, à 8h, il y a visiblement plus de policiers que de citoyens. C'est une ville en «état de siège» que les riverains découvrent. Des camions de transport de troupes des forces antiémeute sont stationnés et des dizaines de policiers déployés. «Qu'est-ce qui se passe ?» demande un jeune de passage. «Le pouvoir a fait sortir tout son arsenal répressif pour ne laisser aucune chance à ceux qui veulent exprimer leur rejet de la mascarade électorale de jeudi prochain. C'est un climat de guerre», s'étonne un opposant au scrutin du 17 avril. «Que ce pouvoir qui se prend pour un Etat de droit nous laisse manifester notre ras-le-bol. C'est un droit légitime», enchaîne-t-il. «C'est impressionnant. Avec autant de policiers, on entend encore parler de vols, de crimes et de kidnappings en Kabylie», s'indigne un étudiant qui déambule sur l'artère principale du quartier Bâtiment bleu où des policiers en faction sont essaimés çà et là pour parer à toute éventualité. Ahmed Ouyahia est arrivé à 7h30, avant d'entrer dans la salle par l'accès qui donne sur le siège de la wilaya. Tout est fouillé à fond, jusqu'aux sacs à main des citoyennes venues assister au meeting. A 10h, l'actuel chef de cabinet de la Présidence entame son discours, retransmis sur un écran géant placé à l'extérieur de la salle. Il déclare, d'emblée, que «les jeunes martyrs du printemps noir sont morts pour la liberté». L´orateur ajoute que le chantre kabyle Matoub Lounès «a été assassiné par les forces du mal. Il est parti en martyr de la démocratie». Plus loin, l'ancien Premier ministre laisse entendre que «Bouteflika est un homme de paix. Il a d'ailleurs réussi à réconcilier les terroristes et les patriotes qui ont pris les armes pour défendre notre pays durant la décennie noire». Et de lancer un message pressant aux islamistes armés toujours dans les maquis à descendre car, selon lui, les largesses de la réconciliation nationale sont «toujours d'actualité». Il soutient, par ailleurs, que «Bouteflika n'est pas le candidat d'un clan au pouvoir». L'ancien patron du RND estime aussi, sur un autre registre, que «le Printemps arabe est un complot fomenté par l'Occident pour déstabiliser les pays frères», faisant remarquer que l'Algérie est toujours menacée par l'instabilité. Et pour illustrer ses propos, il affirme que l'attaque du centre gazier de Tiguentourine a été perpétrée par des terroristes étrangers. Il y a, actuellement, a-t-il précisé, 10 000 soldats de l'ANP qui sécurisent nos frontières car la situation dans les pays voisins est peu reluisante. Pendant que se déroulait le meeting, des étudiants, des animateurs du mouvement associatif, des militants politiques et des élus ont tenu un rassemblement devant le cordon de sécurité placé à quelques mètres du rond-point Djurdjura. Ils ont tenté de forcer le dispositif, sans succès. Ils ont brandi des pancartes au vitriol contre le pouvoir comme «Système dégage», «La Kabylie n'est pas à vendre» et «Pouvoir assassin». Puis ils se sont mis à arracher et brûler les posters de Bouteflika placardés, la veille, par les partisans du président-candidat. Vers midi, alors que Ouyahia s'est «volatilisé», les manifestants se sont dispersés dans le calme.