Des dizaines d'opposants à l'élection, essentiellement des étudiants, ont été interpellés avant même le début du meeting. «Pouvoir assassin !», «Bouteflika-Ouyahia houkouma irhabia» et «Djazaïr houra democratia», scandaient les manifestants devant la maison de la culture de Tizi Ouzou. Dès la matinée hier, la ville de Tizi Ouzou était quadrillée par un impressionnant dispositif sécuritaire. «Sellal est venu hier soir (samedi, ndlr). Il a passé la nuit à la maison de la culture. Il a peur que son meeting connaisse le même sort que celui de Béjaïa. Normalement, il devrait rentrer chez lui quand il voit que des gens veulent le chasser», commentent des citoyens rencontrés à 8h, au rond-point Djurdjura où des portraits géants du président-candidat ont été accrochés durant la nuit. Des camions des brigades antiémeute étaient stationnés en nombre devant la maison de la culture où devait se tenir le meeting. Toutes les issues de la ville ont été bouclées par la police, qui déviait la circulation pour empêcher l'accès au centre-ville du chef-lieu de wilaya. Les services d'ordre ont mis en place un cordon de sécurité, notamment dans la ruelle qui débouche sur l'entrée principale de la grande salle où s'est tenu le meeting. L'accès à la maison de la presse n'est possible que sur invitation. Un homme, la cinquantaine, badgé, filtre les citoyens qui veulent y accéder. «Vous avez une invitation ?», demande-t-il à un citoyen qui s'approche du cordon de sécurité. «Laissez-le. C'est un élu», dit-il à l'adresse des policiers. Vers 9h, la tension monte d'un cran. Un groupe d'opposants à l'élection, notamment des étudiants ayant pu percer le cordon de sécurité, tente de manifester devant la maison de la culture. Une dizaine d'entre eux sont arrêtés. Les manifestants brandissaient des pancartes et scandaient «Pouvoir assassin !» et «Djazaïr houra democratia». A 10h, heure prévue pour le début du meeting, la rencontre électorale n'a toujours pas commencé. D'autres manifestants tentent de scander des slogans hostiles au pouvoir. Ils sont, eux aussi, interpellés et embarqués vers le commissariat, à quelques mètres seulement de là. C'est une cascade d'arrestations. «Je n'ai rien volé, je ne suis pas un terroriste. Relâchez-moi», crie un étudiant. Les journalistes ne sont pas épargnés. Eux aussi sont malmenés et intimidés par les éléments des services de sécurité. «Je suis là en train de faire mon travail. Vous n'avez pas le droit de me toucher», lance un confrère à des policiers qui veulent l'embarquer. Il a fallu la solidarité des autres reporters qui étaient sur les lieux pour qu'il soit relâché. Deux photographes de presse ont été brutalisés. «Vous n'avez pas le droit de prendre des photos. Embarquez-les», dit un élément des services de sécurité en civil à des policiers en uniforme. «Faites attention. Ce sont des agents du DRS qui veulent confisquer nos appareils photo», crie notre confrère. Quelques minutes plus tard, d'autres jeunes brandissant des pancartes portant «Système dégage» sont interpellés au carrefour Djurdjura et acheminés vers le même commissariat, d'où fusaient des slogans hostiles aux élections et au régime comme «Non à la mascarade électorale», «Pouvoir assassin» et «Bouteflika Ouyahia Houkouma Irhabia». Les manifestants ne lâchent pas prise. Ils reviennent à la charge pour exprimer leur colère contre l'élection présidentielle du 17 avril et dénoncer la venue de Sellal à Tizi Ouzou. Ils investissent la chaussée devant la maison de la culture alors que des éléments de la brigade antiémeute tentent de les immobiliser, sans résultat. La foule grandit avec l'arrivée d'autres étudiants qui occupent carrément les lieux. Des centaines de manifestants essayent de forcer le cordon de sécurité. «Non au système colonial. Kabylie autonome», lancent à gorge déployée des étudiants et militants du MAK, brandissant le drapeau amazigh. Dans la foule, on entend que Sellal a terminé son meeting. «Par où va-t-il sortir ?» s'interroge-t-on. Il a quitté la maison de la culture par un sentier qui donne sur la clinique M'Douha, selon un confrère. Les contestataires arrêtés sont relâchés vers midi ; ils rejoignent les autres manifestants pour improviser une marche vers le campus universitaire de Hasnaoua où un grand rassemblement est observé. «Il y a eu presque une centaine d'arrestations. Les services de sécurité sont entrés même à l'université au moment de la manifestation pour interpeller tout étudiant trouvé sur leur passage. Tous les commissariats de la ville de Tizi Ouzou ont été submergés par les interpellations de citoyens qui ne veulent qu'exprimer leur rejet du système. Nous dénonçons cette répression qui s'est abattue, notamment, sur la communauté estudiantine», a martelé un membre du comité d'étudiants.