Les Algériens ont tenté toutes les voies pacifiques pour se libérer du joug colonial pendant longtemps. Dans leur patience, ils ont été jusqu'à prêter assistance à leur ennemi face à l'occupation nazie, dans l'espoir d'éviter la confrontation armée. L'intrigue, la prédation et l'épuration étant les structurants-mêmes du colonialisme ont été les seules politiques opposées aux Algériens. Les massacres de Sétif, Kherrata et Guelma en étaient édifiants. Cela a été un catalyseur au peuple dans sa prise de conscience qu'il ne lui restait aucun choix que celui de se libérer par les armes. D'où le déclenchement de la Révolution et la naissance de l'ALN et du FLN. Il n'est pas question de sous-entendre l'autre héritage du FLN, car celui-ci a été totalement bradé, usé et abusé depuis 1962, au point qu'on est devenu la risée du monde. Il n'est d'ailleurs porté aujourd'hui au sein de l'appareil que par quelques militants encore vivants. Le retentissement et le rayonnement de la Révolution n'ont été perçus que grâce au concours sincère, inconditionnel, actif et massif de tous les Algériens. Le sacrifice, la communion et la confiance ont été au cœur du rapport du militaire au civil. Aujourd'hui, l'armée est la seule parmi les institutions du pays à avoir le respect et l'attention des Algériens. Comme elle est la seule, aussi, à véhiculer encore ce lien à la légitimité historique, il lui est commandé de percevoir la gravité d'un chaos imminent que risque notre pays. Il ne s'agit pas de simples troubles à l'ordre public que provoqueraient quelques aventuriers pour qu'on leur sorte la police et les corrige pour ensuite vaquer à sa monotonie quotidienne. Il s'agit d'un risque d'explosion générale. L'aspiration de la population au changement a atteint ses limites et ne peut plus attendre. Il est irréversible. Il ne reste que la nature de ce changement pacifique ou violent. Le premier nœud de la crise est l'absence de légitimité des institutions, à commencer par l'instance présidentielle. Tout le monde sait que le chef de l'Etat actuel a été imposé en 1999. Il n'est resté à ce jour que par le soutien de certains chefs de l'armée. Ce qui a mis et met encore les Algériens et l'armée en situation d'humiliation pour les pousser à la capitulation. Pendant tout ce temps, toute la gouvernance est fausse et mensongère.S'imposer encore aux Algériens par l'intrigue, la violence, la corruption, le fait accompli et le détournement de la volonté populaire est une haute trahison. Comment accepter un Président, chef des armées, qui a été de tous les complots et coups de force avant même la libération du pays ?Comment pouvait-on rencontrer Ben Bella pendant la guerre et dans la prison la plus sécurisée de l'Etat colonial? La population est en droit de savoir. Taire, aujourd'hui, les vérités aux Algériens est une grave complicité. Il en est de même pour la vérité sur la présidentielle de 1999. L'ancien président, Liamine Zeroual, est interpellé à un exercice de franchise avec la population quant à cette étape de notre histoire. Aussi, le chef d'état-major de l'armée, en acceptant d'être suppléant du ministre de la Défense, s'engage dangereusement. Il ne peut pas cumuler deux postes antinomiques. Le chef d'état-major est un poste opérationnel. Celui de vice-ministre est politique. De surcroît, quand on sait que ce qu'on appelle aujourd'hui gouvernement est une pure escroquerie à l'endroit des Algériens. Si ce n'est pas l'absence de légitimité, de confiance et de respect pour la patrie, on ne pourrait, humainement et sincèrement, cumuler chef de l'Etat, ministre de la Défense, chef de gouvernement, chef du Conseil supérieur de la magistrature et j'en passe. Il est impératif de déconstruire cette monstruosité mensongère. Le chef d'état-major doit démissionner de son poste politique s'il veut rester chef opérationnel de l'armée. Le poste politique qu'il occupe est destiné à pervertir le processus de construction de la décision. La mission de toute armée est assumée sur la base d'une identification précise de la menace. Ce rôle est assuré par les services de renseignement, à ne pas confondre avec la police politique. A cet effet, le cheminement de la prise de décision commence du bas vers le haut. C'est l'inverse qui est voulu dans le cumul des postes sus-cités, dont l'objectif est d'assouvir une revanche de soumission à un chef «suprême» illégitime. L'ANP, alors, sera empêchée d'assumer ses missions pleinement et, pis encore, on l'exposera gravement à la destruction. Dans ces conditions, l'armée ne peut plus défendre le pays, étant le parti pris de son chef opérationnel dans un comité de soutien pour ne pas dire gouvernement. Cela l'empêchera certainement de percevoir la menace du chaos sur la sécurité nationale. C'est cela la doctrine de défense qu'on ne cesse de rabâcher ? Il est urgent que l'armée se démenotte pour se préserver et par la même pour pouvoir protéger le pays, en restant sur le serment aux martyrs et à l'ALN. Il ne s'agit pas d'un appel à un coup d'Etat ou à un quelconque enrôlement dans une aventure politicienne à l'égyptienne. L'effondrement du système balaiera tout sur son passage. Si on n'agit pas aujourd'hui, on ne pourra plus réagir. Aucune autre institution ou homme politique ne peut prétendre endiguer la colère des masses si elle venait à jaillir. C'est pourquoi l'armée doit envoyer des signes très forts en direction de la société, en l'encourageant à s'organiser pacifiquement et à s'impliquer dans une recherche de solution en toute autonomie. Ce n'est qu'à ces conditions que les chances d'un contrat politique, fruit d'un dialogue sincère entre tous les enfants de ce pays sans exclusion aucune, puissent aboutir.