Samedi 15 mars, 10h. Des jeunes filles se sont regroupées, après un meeting pro-Bouteflika à la Coupole (Alger). Timides à l'idée de parler à la presse, l'une d'entre elles confie néanmoins, sous le couvert de l'anonymat, qu'elle ignorait «se rendre à un meeting de campagne pro-Bouteflika.» «On nous a dit qu'on partait en voyage. », poursuit-elle. Beaucoup de jeunes qui ont fait le voyage n'étaient pas non plus des sympathisants convaincus. Certains ont prêté main-forte contre rémunération, d'autres sont des militants qui ont décidé d'œuvrer dans leurs propres structures en faveur du président-candidat. Pourquoi ces jeunes font-ils néanmoins campagne en marge des structures traditionnelles des grands partis du pays ? Quelles sont leurs stratégies de campagne ? Le 20 mars 2014, Abdelkader Bensalah, secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) doit rencontrer «la jeunesse du RND» à l'hôtel Riadh de Sidi Fredj. Des jeunes, qui applaudissent le discours du meneur du RND, scandant à plusieurs reprises, «UGEA président !». Après la pause, une séance de formation aux réseaux sociaux débute à huis clos. Un militant RND prend le micro : Division «Dans la réglementation du RND, seul un citoyen de 35 ans maximum peut présider la commission de la jeunesse du RND, alors que vous, Monsieur Zitouni, vous avez 45 ans !» affirme crûment Adlène Mellah, 35 ans, fils d'un des cofondateurs du RND, Belkassem Mellah. Ce jeune homme s'était fait remarquer, plus tôt en comparant devant les caméras l'intervention de Abdelkader Bensalah à une action «opportuniste» car, selon lui, «la plupart des jeunes» seraient «venus pour Abdelaziz Bouteflika et non pour le clan de Bensalah, qui ne représente pas les jeunes». «Les secrétaires nationaux désignés par Bensalah n'ont pas été élus par les militants du parti», ajoute Adlène Mellah. En désaccord avec ces pratiques, Adlène Mellah et d'autres militants de la JRDN (ancienne force politique des jeunes du parti fondé par Ahmed Ouyahia en 2008, ndlr), créent en décembre 2013, le Mouvement du salut et du rajeunissement du RND (MSR RND), présent dans 30 wilayas et fait campagne pour Abdelaziz Bouteflika. Indépendance «M. Bensalah a dissous la JRND qui n'existe plus depuis plus de 18 mois, car il pense que nous sommes des militants d'Ahmed Ouyahia. A Batna, la Coordination des jeunes des Aurès n'est pas née d'une scission interne mais de la volonté de mener campagne indépendante. Une quinzaine de jeunes, pro-FLN pour la majorité, a créé cette structure qui est présente dans cinq wilayas de l'est du pays et réunit une soixantaine de jeunes. Un des cofondateurs, a accepté de parler de cette structure sous le couvert de l'anonymat : Rémunération La Coordination a organisé «un meeting à la maison de la culture» de Barika (commune de Batna) et «mené des activités de proximité en versant des petits salaires à des étudiants pour faire campagne», a indiqué le militant, sans préciser si ces derniers soutiennent ou pas Abdelaziz Bouteflika. Une campagne présidentielle est en effet souvent pourvoyeuse d'emplois. «Tous les partis politiques payent des jeunes pour faire campagne, nuance le membre de la Coordination, ils sont parfois rémunérés à hauteur de 1000 DA la journée d'affichage. Le jeune qui transporte les affiches en voiture perçoit autant. Sur le plan financier, le militant précise que deux entreprises de bâtiment et travaux publics ont acheté du matériel et ont payé une agence de communication pour réaliser les affiches. Pour ce jeune, la Coordination des jeunes des Aurès n'est pas un tremplin politique, mais un moyen de lancer son entreprise : «J'ai ouvert ma propre entreprise de bâtiment et travaux publics. Cette Coordination me permettra également d'élargir mon carnet d'adresses afin d'avoir accès au marché du BTP». Du côté des jeunes d'El Wafd, parti politique créé début 2013, le ralliement à la cause de Bouteflika est également stratégique. «Pourquoi pas ?» rétorque le président du parti, Salah Deden, 48 ans, ancien candidat à la présidentielle de 2014 qui fait désormais campagne au profit du président-candidat. Le parti compte 100 800 membres, selon le bureau national du parti, dont «80% sont des jeunes». A la direction de la campagne de Abdelaziz Bouteflika à El Bayadh, Mohamed Mahi attend, en compagnie d'un autre jeune du parti, sa rencontre avec le maître des lieux. «On soutient Abdelaziz Bouteflika pour ses idées et aussi pour étendre notre réseau qui nous permettra de grandir et de nous imposer sur la scène politique. J'ai par ailleurs choisi d'intégrer El Wafd car il est très difficile de s'affirmer dans les grands partis. Les jeunes ne sont pas assez représentés dans la classe politique», affirme Mohamed Mahi, coordinateur du parti dans la wilaya d'El Bayadh.