-Comment voyez-vous l'avenir de la revendication amazighe ? La question amazighe n'aura de perspective que si les pouvoirs publics reviennent à la raison et officialisent notre langue. De là découleront les moyens institutionnels, financiers et humains qui s'attèleront à développer, en dehors du champ politique, notre identité culturelle. A partir de là aussi, nous allons laisser la place aux scientifiques. C'est pour cela que les jeunes doivent s'inscrire dans le combat démocratique et identitaire afin d'arracher encore d'autres acquis pour notre langue. Il y va de son avenir et de l'avenir de l'Algérie. Nous avons besoin de nous serrer les coudes afin de préserver et promouvoir notre identité. D'ailleurs j'invite, à l'occasion, tous les militants de la cause amazighe, de tout bord, à venir prendre part aux marches que nous organiserons aujourd'hui en Kabylie (Béjaïa, Bouira et Tizi Ouzou) car la question identitaire n'appartient à personne. Notre objectif est de sauvegarder notre force de mobilisation. -Quel bilan faites-vous de la revendication du Mouvement culturel berbère depuis avril 1980 ? Il faut savoir que les événements d'avril 1980 avaient, au-delà de la question identitaire (langue et culture), posé les problèmes des libertés démocratiques et de la liberté d'expression. S'il y a un bilan à faire, il faut le faire dans la société car la question berbère n'est plus un tabou. Avant, elle était considérée comme l'élément qui allait diviser les Algériens, mais aujourd'hui, même le pouvoir en place crie : «Nous sommes des Amazighs.» Les événements d'Avril 1980 ont permis aux militants de la cause identitaire de sortir dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol devant un régime qui a marginalisé notre langue. Il faut dire aussi que le Printemps berbère a permis l'avènement d'un combat pour la démocratie et les droits de l'homme. Ainsi, la création d'une première Ligue des droits de l'homme en Algérie et l'ouverture du pluralisme politique sont parmi les étapes du cheminement logique d'Avril 1980. Il faut aussi parler du boycott scolaire qui a enregistré des acquis indissociables du combat identitaire et démocratique dans notre pays. On ne doit pas oublier d'ailleurs cette mobilisation entreprise pendant la période difficile du terrorisme qui n'a pas empêché cette voix démocratique de s'exprimer. -Justement, en tant qu'animateur du MCB comment évaluez-vous les acquis du combat identitaire ? Avec le combat, les résultats ne peuvent que suivre, surtout lorsqu'il s'agit d'un mouvement qui revendiquait «tamazight langue nationale et officielle», «tamazight di lakul» (tamazight à l'école). Il se trouve qu'aujourd'hui nous avons arraché des acquis importants à préserver, mais nous devons continuer le combat jusqu'à l'officialisation de notre langue maternelle. Il faut dire que l'enseignement de tamazight est introduit dans les écoles. Même s'il n'est pas généralisé, cela reste quand même un acquis important de la revendication identitaire. Certains n'avaient même pas cru qu'on pourrait un jour amener des élèves dans une classe et leur enseigner tamazight ou jouir pleinement de sa langue maternelle dans les institutions de l'Etat, dans une Algérie où les Berbères n'ont pas à rougir d'avoir vaincu le colonialisme français.