Dans cet entretien, le Dr Abdenour Boussaba, responsable de la section SIC et adjoint au chef de département des sciences humaines à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, souligne que l'investissement publicitaire sur internet n'est pas réellement connu en Algérie. Le même chercheur estime aussi qu'il faut beaucoup de travail pour améliorer d'abord le secteur de la publicité ordinaire avant d'entrer dans le vrai monde numérique. Pouvez-vous nous parler brièvement du marché de la publicité en Algérie ? Les recettes du marché publicitaire algérien se chiffrent à plus de 500 millions de dollars, par an, si l'on inclut la partie Salons, foires et sponsoring. La partie médias ne représente que 50% du marché. Il faut souligner que les investissements publicitaires en Algérie sont portés surtout par les opérateurs de téléphonie mobile Mobilis, Ooredoo et Djezzy, ainsi que les concessionnaires automobiles et les groupes agroalimentaires comme Cevital. La Télévision nationale encaisse quelque 40% du montant du marché national. Mais, il faut préciser que, par défaut de régulation, il demeure difficile d'établir un état des lieux fiable du marché de la publicité dans notre pays. Comment peut-on réguler ce marché de la publicité ? Le marché national de la publicité ne dispose toujours pas d'une réglementation appropriée. D'abord, il faut réguler les professionnels de la communication et ensuite la profession. Celle-ci est régie par des textes et règlements obsolètes qui ne s'adaptent pas avec la réalité des transactions commerciales. Les différents appels d'offres sous forme de publicité, en Algérie, ne répondent pas aux besoins des professionnels. Malgré les efforts consentis par le ministère de la Communication, les faiblesses et les obstacles persistent dans la gestion de ce domaine. Il existe environ 4000 agences de publicité dans notre pays qui détiennent 80% du marché de la publicité, contre 20% centralisée au niveau de l'ANEP. Il faut l'élaboration d'un texte réglementaire qui donne à une autorité de régulation le pouvoir d'intervenir et de mettre de l'ordre dans le marché de la publicité. La création d'une structure de régulation de ce marché est également nécessaire, dans la mesure où elle permettra la bonne gestion de ce domaine. Il faut souligner que les Marocains ont créé une autorité de régulation professionnelle de la publicité en mars 2015, les Tunisiens ont également fait des progrès dans le domaine de la régulation publicitaire. Les deux marchés voisins sont d'ailleurs réputés pour être plus dynamiques et plus professionnels que le marché algérien. Et pour ce qui est de la publicité dans les supports audiovisuels ? Après l'ouverture du secteur audiovisuel, l'Etat demeure le grand annonceur, mais il n'est plus le seul diffuseur audiovisuel. L'expérience de l'audiovisuel, depuis 2012, est très courte. Même s'il y a certaines avancées, on constate toujours un manque de professionnalisme et le non- respect de l'éthique et de la déontologie de la publicité. Il y a ainsi des dépassements sur le consommateur et la société en général. Qu'en est-il du marché de la publicité en ligne ? La publicité en ligne en Algérie n'est pas encore mature. On n'est pas arrivé à parler de la vraie publicité électronique. Des sociétés amies s'échangent parfois leurs couples de publicités et parfois sans aucun retour financier. «Je te fais de la pub pour t'encourager et tu me fais de la pub pour m'encourager». Les agences de communication et de publicité cherchent encore une solution à proposer aux entreprises algériennes voulant se faire connaître sur la Toile, même s'il existe certaines entreprises qui font de la publicité électronique. Plus de 10 ans de son apparition en Algérie, l'investissement publicitaire sur internet n'est pas réellement connu, mais on sait que le secteur automobile est, sans doute, le plus présent sur la Toile (32%) suivi de très près par les TIC (téléphonie, informatique, électronique grand public) avec un taux de 25%. D'autres secteurs commencent à investir sur le média internet : l'immobilier, les compagnies aériennes, l'alimentaire et le tourisme. Justement, comment voyez-vous l'avenir de la publicité dans la presse traditionnelle à l'ère du numérique ? La publicité traditionnelle persiste toujours à exister en Algérie tant que nous ne sommes pas encore développés dans le monde numérique. Il nous faut beaucoup de travail pour améliorer, d'abord, le secteur de la publicité ordinaire. Et ce, avant d'entrer dans le vrai monde numérique, qui présente encore beaucoup de défis à relever dans notre pays.