Des enfants cancéreux pris en charge au centre de Messerghine se souviendront de cet après-midi récréatif que leur a réservé, jeudi, l'association « Les blouses blanches » des étudiants de la faculté de médecine d'Oran. Grand moment de bonheur pour ces petits pensionnaires qui portent sur leurs visages les stigmates de cette terrible maladie. Moment d'émotion et d'intense peine pour certains membres de ce club estudiantin et quelques invités qui découvrent la dureté d'un sort et l'injustice d'une maladie rongeant quelques corps frêles. Le pavillon I de ce centre a littéralement vibré sous les cris de joie poussés par ces enfants qui ont été surpris de voir « débarquer » deux clowns - un étudiant en médecine et un bénévole - dans leurs chambres lugubres. Par petits groupes, ils ont été accompagnés dans la salle mitoyenne où les attendaient mille et une surprises. Mohamed, Brahim, Nasreddine, Acharaf et bien d'autres parmi ces petits malades, contraints de passer le week-end au centre vu l'éloignement de leur lieu de résidence, ont été ravis de voir ces moments de bonheur. Certains ont quitté avec peine leur lit, « traînant » avec eux la potence à laquelle est suspendu le sachet de sérum qui alimente leur frêle corps. Les malades, les plus lourds, cloués au lit, ont reçu la visite des animateurs du club et des deux clowns avec lesquels ils ont improvisé des jeux et des chants. Les membres du club ont eu l'idée de venir passer un moment avec ces enfants oubliés. Des anonymes, comme ces jeunes filles venues spontanément d'Arzew, les bras chargés de peluches et de jouets destinés à ces anges, ont spontanément rejoint cette action. Celle-ci a été sponsorisée par une marque de limonade mondialement connue et un fabricant de gaufrettes et de confiserie. Le gérant d'une clinique privée a acheté plein de jouets. Musique, chants, collation où la limonade, le thé et les gâteaux ont été servis à profusion. Aucun n'a épargné le moindre effort pour apporter le sourire à ces enfants dont certains sont condamnés, à moins d'un miracle... un drame doublement vécu Le drame de ces malades est doublement vécu par les parents : certains baissent les mains devant leur incapacité et l'impossibilité de faire un quelconque geste pour soulager la douleur de leur petit. « Mohamed est âgé de 4 ans. Il est atteint de leucémie. Je dois faire, à chaque fois, des pieds et des mains pur me procurer du sang AB+. Au CTS d'Oran, on refuse de me fournir des pochettes car j'habite à Mohammadia. Les donneurs que je sollicite exigent de mois 400 à 500 DA. Je suis pauvre ; mes ressources financières sont limitées. Passivement, j'assiste à la mort lente de mon enfant », se plaint un père, les yeux mouillés de larmes. Ce drame est celui de la plupart des personnes présentes dans ce centre. Elles subissent elles aussi les mêmes difficultés que leurs petits et vivent difficilement dans cet univers de douleur, de maladie et de souffrance. Comment rester insensible devant les cris de cet enfant qu'une infirmière transfusait. « Yarham bouki, arrête ! », supplie-t-il, avec une voix à faire fondre un cœur de pierre... La scène était insoutenable pour la plupart des membres du club et de leurs invités. M. Bouzana, directeur du centre, s'est dit très touché par toute cette attention dont ont fait l'objet les petits pensionnaires. « Vous savez, le centre accueille des malades de toutes les régions du pays. Il y a même des petits malades de Annaba, Adrar, Timimoun. Nous avons une capacité d'accueil de près de 70 lits. Nous sommes obligés de réduire le temps de séjour, juste le temps de faire les analyses, les premiers traitements et établir le protocole de prise en charge avant que les malades ne quittent le centre pour suivre les soins chez eux. C'est la seule façon pour répondre à la forte demande », explique-t-il. Ces enfants arrivent le plus souvent à une phase très avancée de la maladie, faute de diagnostic précoce. « Nous enregistrons entre 20 et 30 décès par an », ajoute M. Bouzana qui relève l'état psychologique très difficile de certains de ses personnels, ne pouvant plus supporter les terribles épreuves qu'ils endurent au quotidien. Jeudi, sous les rythmes effrénés d'une derbouka et les chants en chaîne des enfants, une infirmière n'a pas hésité à danser jusqu'à l'épuisement et à la limite de la transe. « J'exorcise mes peurs et toute ma souffrance. Je ne supporte plus la souffrance de ces innocents. J'ai essayé de changer de lieu de travail ou carrément de métier, mais je n'ai pas pu », disait-elle. Les futures blouses blanches ont réussi, jeudi, avec éclat leur action. C'est tout à l'honneur de ces futurs médecins...