Un fragment de mandibule d'un enfant de huit mois a été mis au jour dans la grotte préhistorique de Gueldaman, qui fait l'objet de fouilles archéologiques par une équipe du Centre national de recherches préhistoriques archéologiques et historiques (CNRPAH), dirigée par le docteur Farid Kherbouche. Le niveau archéologique dont provient cette mandibule est daté par la méthode du carbone 14 à 7000 ans avec une précision de plus au moins 30 ans. Des dents isolées d'individus adultes ont également été découvertes dans ce même lieu. Très bien conservées, sans aucune carie, elles permettent d'avoir une idée sur le régime alimentaire de l'époque. Il faut signaler que c'est la première fois que la grotte de Gueldaman, qui a connu une période d'occupation humaine entre le 5e et le 7e millénaire, a permis la découverte d'ossements humains. Pour rappel, ce site préhistorique, qui fait l'objet de recherches depuis 2010 par une équipe du CNRPAH, a livré des milliers d'objets de très grande valeur scientifique. Un matériel archéologique important composé de restes fauniques, d'outils lithiques et osseux, de parures ainsi que de tessons de poterie, qui a permis, petit à petit, d'en savoir un peu plus sur la période du néolithique. Cette période charnière où l'homme a commencé à se sédentariser, quittant peu à peu son mode de vie de chasseur-cueilleur pour celui de pasteur agriculteur. Des études pluridisciplinaires (paléontologie, paléobotanique, analyses isotopiques des stalagmites, etc.) ont également permis de reconstituer l'environnement et le climat de la région à cette époque reculée. Selon le docteur Farid Kherbouche, le néolithique est peu connu en Afrique du Nord, contrairement à l'Europe. C'est ainsi que, au fur et à mesure que la grotte de Gueldaman livre ses secrets, la vision de la vie à cette époque s'affine de plus en plus. «C'est comme un puzzle qui se reconstitue progressivement au fur et à mesure de l'avancement des fouilles et des études. Aujourd'hui, Gueldaman donne une idée assez précise de la civilisation néolithique à l'échelle régionale et va contribuer à comprendre comment s'inscrit cette ‘‘néolithisation'' à l'échelle du bassin méditerranéen», dit-il. Au chapitre des nouveautés, Farid Kherbouche affirme que Gueldaman a livré jusqu'à présent deux types de céramiques : l'une usuelle, de moyenne facture, presque «jetable», selon notre interlocuteur, l'autre, plus élaborée, est finement décorée. La céramique indique surtout que l'homme adopte un mode de vie sédentaire et conserve ses aliments. Des analyses de résidus organiques dans les poteries archéologiques ont montré qu'elles ont servi à conserver du miel et du lait. Le miel est collecté dans les nombreuses ruches sauvages qui se nichent dans les anfractuosités calcaires de l'Adrar Gueldaman. Quant à la présence de lait, elle témoigne de la domestication animale qui est l'un des caractères majeur de la transition du paléolithique vers la civilisation néolithique. Les chercheurs ont également découvert des restes osseux de chèvres et de moutons, donnant une preuve directe que l'homme de Gueldaman avait déjà domestiqué ces deux espèces il y a 7000 ans. A la même époque, les restes d'animaux sauvages constituaient principalement un cortège d'herbivores, dont certains sont aujourd'hui disparus, tels que l'éléphant, l'aurochs, le rhinocéros, le mouflon ou la gazelle et d'autres encore présents, tels que le sanglier et le porc-épic. Très prolifique, le site a également livré aux chercheurs une quantité importante d'outils en silex adaptés à la coupe de végétaux, ce qui indique également l'exploitation de l'environnement végétal par le déboisement et la collecte de différentes plantes. Des graines fossiles d'espèces végétales domestiques découvertes en fouilles témoignent d'un début d'agriculture. Les études paléobotaniques sont en cours pour préciser les différentes espèces et leur âge précis. Il convient de citer également toute une industrie osseuse dédiée au travail des peaux, comme les lissoirs, les poinçons pour les perforer et les aiguilles à chas pour la couture. C'est en combinant toutes ces découvertes que les archéologues reconstituent progressivement le mode de vie des hommes préhistoriques de Gueldaman dans un cadre environnemental maîtrisé.Ainsi, de découverte en découverte, le site tient toutes ses promesses et se révèle comme une inépuisable mine d'informations sur la période du néolithique en Afrique du Nord en général et dans notre pays en particulier.