Court, mais corsé et courageux. Dans Etre juif après Ghaza paru aux éditions du CNRS cette année, l'intellectuelle Esther Benbassa (Française d'origine juive) fait le procès des crimes d'Israël contre Ghaza et accuse la diaspora — et les juifs de France en particulier — d'être les complices des actes d'Israël, même les plus odieux, comme les bombes au phosphore déversées sur Ghaza. Curieusement, il est difficile de faire une synthèse de ce petit ouvrage de 74 pages. Tant chaque mot est pesé. Un cri de rage ou de colère d'une Française contre les juifs et Israël, qui se présente ainsi : « C'est parce que je suis une Juive sans Dieu qu'Israël fait partie de la religion que je n'ai pas, mais c'est aussi parce que j'y ai grandi que je tiens à son existence et ne puis donc qu'être critique. » Née à Istanbul, Esther Benbassa a fait des études supérieures en Israël, à l'université de Tel-Aviv, puis en France, à l'Ecole pratique des hautes études de Paris. Elle pense que les Israéliens sont « égarés » par leur nationalisme. Nationalisme que redoutait un juif en 1917, instituteur à Ispahan : « Le premier usage de leur liberté que font les peuples nouvellement délivrés du joug est de persécuter les éléments étrangers se trouvant parmi eux, et que la tyrannie qu'ils exercent est en fonction directe de celle qu'ils ont supportée. » Une attitude qui n'est pas propre aux Juifs. « Qu'ont fait les esclaves libérés aux Etats-Unis et renvoyés en Afrique pour créer le Liberia ? Ils ont aussitôt opprimé leurs frères africains… » Autant de questionnements qui trouvent leur réponse chez Esther. « En devenant israéliens, ces juifs ont-ils été frappés d'amnésie jusqu'à oublier les principes premiers de l'éthique, socle de leur être juif ? », s'interroge l'auteur. Comment des juifs, dont les parents ont vécu la persécution, la souffrance, peuvent-ils tolérer qu'un autre peuple, les Palestiniens, connaisse un sort similaire ? « Ghaza, c'est un nouveau mur qui s'élève en diaspora, celui de l'impossible communication entre les juifs et leur entourage, qui ne peut plus comprendre leur excessive tolérance à l'endroit d'Israël », lance Esther Benbassa, qui ne veut pas « être juive et rejeter Israël ». « Je ne veux pas non plus être juive et approuver cette guerre immorale que mène Israël… C'est désormais Israël lui-même, hier rempart symbolique contre la haine antijuive en diaspora, qui apporte chaque jour sa moisson nouvelle de « justifications » – évidemment fallacieuses – à l'antisémitisme en vogue, faisant planer une menace nouvelle sur les juifs qu'il prétend protéger. »