La dégringolade des cours de brut sur les marchés internationaux relance les opérations arithmétiques sur le seuil de rentabilité du baril de pétrole par rapport à l'équilibre budgétaire. De nombreux pays exportateurs de pétrole sortent les calculettes. A 85 dollars le baril, l'équilibre budgétaire de plusieurs Etats est déjà rompu. L'Algérie est dans la case rouge. Tout comme d'autres pays mono-exportateurs dont l'Iran, le Venezuela, le Nigeria, la Libye, l'Irak, la Russie, l'Angola… En ces temps de grande incertitude, le gouvernement pèche encore par optimisme démesuré en faisant valider une loi de finances 2015 émaillée d'excès. Les dépenses globales de l'Etat inscrites dans le projet de loi de finances 2015 se chiffrent à 8858,1 milliards de dinars, soit l'équivalent de 112 milliards de dollars. Les recettes budgétaires prévues pour le même exercice s'établissent à 4684,6 milliards de dinars, soit environ 60 milliards de dollars. Ce sera assurément insuffisant pour dégager un solde positif du Trésor, qui connaîtrait un déficit de 4173,4 milliards de dinars, soit 22% du PIB (produit intérieur brut). Ainsi, la rigueur budgétaire que l'on ne cesse de chanter sur tous les toits n'a visiblement d'existence que dans les discours. Manifestement, l'Exécutif pratique un double langage en matière de rationnement de la dépense publique. Le ministre des Finances faisait une parfaite ironie lorsqu'il prêchait le rationnement budgétaire dans les coulisses de l'Assemblée, au moment où les députés votaient, dans l'hémicycle, la loi de finances de tous les abus. A ce niveau de consommation budgétaire, le seul budget de fonctionnement n'est soutenable qu'avec un baril de pétrole supérieur à 70 dollars. Un simple calcul arithmétique exige un baril de pétrole supérieur à 140 dollars pour pouvoir équilibrer les dépenses totales. Peine perdue En 2012 déjà, lorsque le total des dépenses culminait au-dessus de 7500 milliards de dinars (budget loi de finances 2012) et les recettes se chiffraient à près de 5700 milliards (68,2% des recettes pétrolières), les institutions de l'Etat ont calculé l'équilibre du budget sur la base du baril de pétrole supérieur à 131 dollars (source : Journal officiel et Rapports annuels de Sonatrach). Depuis, la politique volontariste de l'Etat a fait monter d'un cran les dépenses, au moment où les recettes fondaient comme neige au soleil. Pire qu'en 2012, le gouvernement n'a fait qu'aggraver les vulnérabilités financières du pays, en un laps de deux de deux années. La soutenabilité du budget s'apparente à une bataille perdue d'avance. D'autant plus que les prix du pétrole chutaient fortement, hier, sur le marché londonien, où le brent pour livraison en décembre valait 82,73 dollars le baril, en baisse de 2,05 dollars par rapport à la clôture de lundi. Les voyants sont au rouge pour l'Algérie. Le prix du pétrole s'établit déjà largement au-dessous du seuil d'équilibre budgétaire. Il y a quelques semaines, la Banque d'Algérie estimait la rentabilité du baril à 112 dollars. Le message de la Banque centrale était alors sans détour. Quelques semaines plu tard, le gouvernement ne s'est pas empêché de faire un autre dérapage sur la route mouillée de la dépense. Bien qu'il ait été à maintes reprises mis en garde contre sa fièvre dépensière. Selon les statistiques de l'Arab Petroleum Investments Corporation (Apicorp), l'Algérie a besoin d'un baril de pétrole de 123 à 124 dollars pour équilibrer son budget. Qui dit prix au-dessous du seuil d'équilibre dit recours de plus en plus accru aux avoirs du FRR (Fonds de régulation des recettes) pour couvrir le déficit du Trésor. L'épargne cumulée au niveau du FRR est passée de 5563,5 milliards de dinars en 2013 à 5284,8 milliards en 2014. L'épargne du FRR a fondu Dernière évaluation en date, The Guardian vient de publier un graphique instructif indiquant le coût du baril à atteindre pour que le budget d'un pays ne soit pas déficitaire. Sur un total de 19 pays listés, l'Algérie est le troisième le plus exposés aux chocs externes. Il est le quatrième pays le plus affecté par la baisse des prix du pétrole. Les prévisionnistes cités par le journal britannique The Guardian estiment que l'Algérie a besoin d'un baril de pétrole à 121 dollars pour soutenir son budget. Avec le maintien de sa politique d'expansion budgétaire, le gouvernement danse sur un volcan et pousse le pays vers la faillite. Peines substitutives : le pays doit adopter des réformes fortes de sa politique budgétaire en s'attaquant aux importations, en ajustant les transferts sociaux et les subventions. Le pays doit réfléchir ensuite à un nouveau modèle de croissance se substituant à la politique de développement par l'infrastructure, en privilégiant la relance de l'investissement productif et le maintien des dépenses.