Les équilibres macro-financiers de l'économie algérienne et la position financière extérieure sont plus que jamais frappés par une tendance baissière, dont le mouvement devrait continuer. La santé macroéconomique enregistrée depuis le début des années 2000, grâce à l'austérité de la décennie 1990 et à l'envolée des prix du pétrole, risque de se détériorer à très court terme. En effet, les statistiques publiées par les services des Douanes démontrent un cheminement nouveau de la balance commerciale qui a enregistré un déficit de 1,73 milliard de dollars au premier trimestre 2015, suite à la baisse des exportations qui sont établies à seulement 10,62 milliards de dollars, soit une baisse de 31,75% par rapport à la même période de 2014. Si par rapport à l'année 2014, les importations ont baissé de 1,3 milliard de dollars, les exportations ont perdu 4,94 milliards de dollars durant ce premier trimestre. Il faut reconnaître que c'est grâce aux soldes positifs successifs de la balance commerciale que les comptes publics et les comptes extérieurs ont enregistré, depuis une dizaine d'années, des positions financières confortables. L'économie algérienne est devenue structurellement quasiment rentière, incapable de se diversifier même avec une dotation financière exceptionnelle. La loi de finances 2015 a prévu des dépenses publiques de 8858,1 milliards de dinars et un déficit budgétaire de 4.173,4 milliards de dinars (-22,1% du PIB), soit environ 50 milliards de dollars. La loi de finances table sur des recettes budgétaires de seulement 4684,6 milliards de dinars. Avec la tendance actuelle des prix du pétrole et les recettes du premier semestre 2015, la fiscalité pétrolière connaîtra une baisse très sensible et la fiscalité ordinaire ne pourra compenser cette baisse, compte tenu du faible recouvrement et de la prolifération alarmante des transactions informelles et de la corruption. A souligner que le FMI prévoit un solde extérieur déficitaire de 28 milliards de dollars pour cette année (plus de 15% du PIB). Avec ces prévisions, le problème qui se posera à la fin de l'année 2015 est la capacité du FRR à combler un déficit de 4173,4 milliards, sachant que l'encours du FFR a baissé à nouveau à 4773,51 milliards de dinars et que le ministre des Finances a annoncé que le FRR a alloué 2965,6 milliards de dinars en 2014 (soit 29 milliards de dollars) pour combler le déficit du Trésor. Les avoirs du FRR devraient se rétrécir comme peau de chagrin. Une situation qui affectera directement les équilibres macroéconomiques et les transferts sociaux prévus à 1711,7 milliards de dinars, soit 20% du budget de l'Etat. Surtout que l'Algérie enregistre une augmentation de sa population (39,5 millions d'habitants) habituée à de nouveaux besoins de consommation plus exigeants. Par ailleurs, la question des ressources financières à allouer pour programme d'investissement de 262 milliards de dollars annoncé pour 2015-2019 reste posée. Avec le niveau actuel des dépenses et des importations, le gouvernement sera, à partir de 2016, contraint à une politique d'austérité, voire à abandonner forcément la moitié des investissements publics prévus. Ceci dit, le gouvernement sera obligé de dégager au moins 30 milliards de dollars pour le financement des importations considérées comme prioritaires (facture alimentaire, produits pharmaceutiques, équipements industriels, pièces de rechange…). Il devra aussi réserver une partie des devises pour le rappariement des dividendes des multinationales activant en Algérie et l'importation des services. En 2014, la balance des services et des revenus a enregistré une sortie de capitaux de 14 milliards de dollars. Si le niveau des prix du pétrole ne dépasse pas les 60 dollars, la réduction de la facture des importations de 50% ne suffirait pas pour enregistrer une situation financière positive des comptes extérieurs. Le FMI fait bien de souligner, d'ailleurs, que la balance des paiements enregistrera des situations négatives pour 2015 et 2016, soit respectivement -14,5 milliards et -15,9 milliards de dollars. Le solde budgétaire global hors hydrocarbures enregistrera également un déficit de -35,5% pour 2015. Cette situation se répercutera directement sur les comptes publics et les liquidités bancaires qui ont été durant des années dopées par la fiscalité pétrolière. En effet, les liquidités bancaires vont être asséchées, ne serait-ce qu'avec le recours au financement bancaire des projets d'équipement publics. Le financement des investissements privés connaîtra donc des restrictions, surtout que le système bancaire algérien n'est pas concurrentiel. Les fondamentaux de l'économie seront directement touchés, le taux de croissance du PIB baissera sensiblement… Conséquence logique d'une économie sans véritable marché financier et qui est quasiment financée par une sphère monétaire alimentée principalement par un seul secteur : les hydrocarbures.