-Le monde des lettres a perdu cette année le poète Samih El Kacem. Que représente-t-il pour vous en tant que Palestinien ? La perte de Samih El Kacem a été un vrai choc pour nous tous. Une catastrophe. Il représentait à lui seul une racine de la culture arabe et palestinienne. Une racine arrachée du corps du mouvement culturel dans les pays arabes. Samih El Kacem était un humain, un poète inné. Il était le fils du moment, recourait souvent à l'improvisation. Il était parfaitement adapté à son époque, le seul capable de tisser un beau poème dans un moment de vive émotion. Il a lutté jusqu'à la dernière minute contre la maladie, a réussi en grande partie à vaincre sa souffrance, et ce, pendant plusieurs années. Les médecins lui avaient dit qu'il ne lui restait que six à huit mois à vivre. Et pourtant, il a surmonté cette période et a vécu plus longtemps. Samih El Kacem a réussi également à vaincre le temps. La preuve, nous avons débattu de son œuvre littéraire ici au Salon d'Alger. Il ne laisse pas indifférent. Samih El Kacem a laissé un héritage constitué de plus de 80 œuvres littéraires entre poésie, récits, articles, et laissé une bonne réputation aussi. -Réputation liée notamment à ses positions politiques… Absolument ! Il était un poète nationaliste qui n'a jamais changé de position. Il avait dit ouvertement à Yasser Arafat que s'il constatait une dérive de sa part, il déclencherait les hostilités par sa plume. Yasser Arafat avait alors enlevé son pistolet en le donnant à Samih El Kacem et lui disant : «Utilise-le comme tu l'entends !» -Qu'est-ce qui faisait réagir le plus le poète ? La douleur palestinienne surtout. La nature palestinienne inspirait énormément le poète. Il habitait dans une petite ville appelée Al Ramah, dans les montagnes de Haïdar. Des montagnes proches du plus haut sommet en Palestine, Jabal Al Jarmaq. Samih El Kacem était donc assis sur le trône de la Palestine avec sa poésie et son existence en tant qu'homme portant tout le drame palestinien. La patrie coulait dans ses veines. -Quels sont les points de rencontre entre Samih El Kacem et Mahmoud Darwich ? Mahmoud Darwich était aussi un grand poète patriote. Mais chacun avait sa personnalité. Les deux poètes partageaient la même douleur. Nous ne pouvons pas dire que Samih El Kacem a remplacé Mahmoud Darwich après sa mort. Samih a pleuré dans un poème la disparition de Darwich et a pleuré sur lui même quelques jours avant sa mort. J'estime que la poésie de Samih El Kacem est d'une puissance inégalable. Il était un poète très cultivé. Il utilisait notamment la culture islamique dans ses poèmes d'une manière raffinée et intelligente. Il évitait l'absurdité et le rajout forcé dans ses textes. -Existe-t-il une génération de poètes palestiniens après Mahmoud Darwich et Samih El Kacem ? Oui. Nous avons déjà plusieurs recueils de poésie publiés à Dar Al Joundi. Des textes écrits par des poètes de talent qui, pour moi, ont un grand avenir. Je souhaite qu'ils aient l'occasion, comme El Kacem ou Darwich, de s'installer dans les premières loges dans la poésie arabe contemporaine. Je peux citer un poète qui habite la région de Lebkiaa, distante d'à peine quatre kilomètres de la ville de Samih El Kacem. Il s'appelle Samy Mhenna. Il promet beaucoup. Il s'est lancé d'une manière déterminée sur le chemin de la poésie. Il va réussir. -Comment est la situation actuelle de l'édition des livres en territoires palestiniens ? Dar Al Joundi est la seule maison d'édition palestinienne à El Qods actuellement. Nous avons un problème de lectorat. Les livres coûtent cher en raison des frais élevés pour la fabrication des livres. Nous imprimons nos livres à El Qods. Donc, nous estimons que nous avons un message culturel et économique à porter, à transmettre. Notre présence à El Qods a une certaine signification. De plus, déplacer les livres d'un endroit à un autre en Palestine est très compliqué. Il faut surmonter plusieurs obstacles. Les coûts de transport sont très élevés. Nous souffrons aussi d'un embargo culturel imposé par Israël. -Vos livres sont-ils exportés en dehors des territoires palestiniens ? Oui, nous arrivons à faire sortir nos livres. Il n'y a pas beaucoup de difficultés sur ce plan. Mais faire entrer des livres à El Qods est une entreprise compliquée. Il y a des entraves sécuritaires et financières à ce genre de projets. -Et comment se porte la littérature palestinienne aujourd'hui ? L'action culturelle en Palestine est évoluée. Il existe plusieurs Salons littéraires et cafés culturels dans les villes palestiniennes, surtout à El Qods. Nous organisons énormément de débats et conférences sur la littérature. A cet effet, tous les espaces, théâtres, clubs sont exploités.