L'homme rejetait alors systématiquement les demandes d'interview. Une époque révolue. Ce jeudi, le patron du groupe ETRHB était sur scène, sous le feu des projecteurs, dans un rôle qu'il abhorrait jusqu'ici : celui de communicant. Une «transformation» préparée de longue date. Ces derniers jours, son équipe de campagne planchait sur le format idéal. Conférence de presse ou pas ? Quels mots pour quel discours ? L'enjeu était sans doute davantage de réussir son entrée dans l'arène médiatique que de se faire élire. Et pour cause : unique candidat à la présidence de la première organisation patronale du pays, son élection était acquise. A l'heure du scrutin, les mains se lèvent. «N'y voyez aucune volonté de compter les opposants», assurent les membres du Forum. «Quand il n'y a qu'un seul candidat, c'est ce que prévoient les statuts», explique Hassen Khalifati, PDG d'Alliance Assurances. Ali Haddad récolte donc l'unanimité. Une première pour une institution dont les divisions ont fait couler beaucoup d'encre cette année. Tout sourire, le patron accepte pour la première fois de fendre l'armure. Storytelling à l'algérienne de celui qui se présente comme un enfant d'épicier d'Azzefoun qui a réussi à la force du poignet. «J'ai commencé avec un ouvrier. Maintenant, j'en suis à 15 000 emplois directs, et peut-être 150 000 emplois indirects qui vivent du sacrifice de cette entreprise que je porte chaque matin.» L'argent sale ? Il affirme ne pas y toucher. «Mon grand-père est tombé au champ d'honneur quinze jours après le déclenchement de la Révolution. Mon père a été emprisonné», raconte-il. Une réponse à distance aux attaques de Louisa Hanoune. Rien de surprenant pour ceux qui connaissent le Ali intime. «Chez les Haddad, la famille c'est sacré», confirme l'un de ses proches. «Arrêtons la jalousie et l'envie», a insisté l'homme d'affaires, déplorant les attaques dont lui et ses amis patrons font l'objet. Pour ne plus prêter le flanc à la critique, ses principaux soutiens jurent qu'une révolution se prépare au sein du Forum. Celle de la transparence. Première innovation, sur la forme. «Vous avez remarqué que le vote s'est déroulé en public ! Avec les journalistes! C'est parce qu'on n'a rien à cacher», répète à l'envi l'un de ses vice-présidents, Mohamed Bairi. Les journalistes, grandes stars de la journée. A chacun, le nouveau président adresse un mot. Le midi, il prend plaisir à déjeuner avec les patrons de presse, devant les caméras qu'il prenait soin d'éviter jusque-là. A l'heure du café, l'homme se prête même à une séance photo sur la terrasse de L'Aurassi, entre deux fous rires avec ses vice-présidents rassemblés. Sur le fond aussi, le Forum veut prendre le virage de l'innovation. «Nous sommes très en retard, regardez ce qui se passe ailleurs», insiste l'homme d'affaires en citant les exemples européen, américain et asiatique. «Nous, on croit que le monde s'arrête à l'Algérie», regrette-t-il. L'ex-président du FCE, Omar Ramdane, rappelle que l'Algérie est l'un des seuls pays, avec Cuba, la Corée du Nord et la Somalie, à n'avoir pas adhéré à l'Organisation mondiale du commerce. Pour que les dirigeants de demain soient plus ouverts vers la mondialisation, le FCE de Ali Haddad veut lancer des universités d'été. Il invite toutes les énergies à prendre part à son projet d'avenir. Même ceux qui ont claqué la porte de l'organisation. «On respecte tout le monde, assure le nouveau président. Le politique, l'opérateur, le citoyen s'il peut faire une critique constructive.» Evidemment, l'homme adresse une pensée au président de la République. Et réclame du temps et de l'indulgence face aux chantiers qui l'attendent : «Nous sommes des êtres humains. Nous ferons de belles choses. Mais sûrement qu'on se trompera aussi.» Pour l'heure, l'ambitieux bâtisseur promet de mettre 15 millions de sa poche pour financer la construction du nouveau siège du FCE. «Deux fois rien», sourit l'un de ses proches.