Les SwissLeaks faisant ainsi suite aux Offshore Leaks et aux LuxembourgLeaks, bien que n'étant que l'arbre qui cache la forêt, renseignent sur un phénomène mondial : la constitution d'avoirs à l'étranger par des ressortissants souhaitant échapper à la législation fiscale et pénale de leurs pays respectifs. Se pose alors une problématique : de quels moyens disposent les pays, qui voient ainsi une grande partie de leurs richesses prendre la poudre d'escampette, pour traquer et surtout récupérer ces capitaux ? Dans un contexte de crise, de nombreux pays occidentaux s'empressent de prendre des mesures afin de limiter la saignée. Aux Etats-Unis, on annonce de possibles poursuites contre HSBC. En Tunisie, le ministère public a ordonné l'ouverture d'une enquête. En France, des voix s'élèvent pour plaider la cause de l'indemnisation pour les dommages causés par l'évasion fiscale. A Alger, c'est l'omerta et la loi du silence qui l'emporte. Le scandale HSBC ne semble causer aucun émoi. Pourtant, les quelque 600 millions de dollars cachés dans les comptes suisses de HSBC et dont l'origine semble algérienne posent avec acuité le problème de ces fonds constitués à l'étranger et dont on risque de ne plus jamais revoir la couleur. Le fait est que la traque puis les tentatives, à supposer qu'il y en ait, risquent d'être complexes, d'autant que la question relève d'une volonté politique forte. Du point de vue légal, les dispositifs existent. Ainsi, une source au fait du cadre régissant les changes et les procédures fiscales nous explique que sur le plan comptable et fiscal, il existe une disposition obligeant toute personne morale de faire état de l'ensemble de ses comptes, qu'ils soient domiciliés en Algérie ou à l'étranger. Reste que cette disposition ne peut être prise en compte que dans le circuit légal. Dès l'instant où la question sort du cadre légal et devient par essence illicite, cette disposition ne suffit plus. La traque doit impérativement passer par certains accords, la piste des accords d'entraide judiciaire. Il y a quelques années, le Suisse Jean Ziegler, rapporteur spécial pour les Nations unies, avait incité les Algériens à user de ce genre d'accords. Un outil, nous explique-t-on, assujetti cependant à l'ouverture d'une information judiciaire. Que la justice introduise une demande d'information via une commission rogatoire. Restent les accords d'entraide mutuelle en matière fiscale. A ce sujet, l'ex-ministre délégué au Trésor, Ali Benouari, a d'ailleurs évoqué la nécessité pour l'Algérie de signer un accord bilatéral en ce sens. La piste du blanchiment d'argent Nos sources expliquent ainsi qu'à moyen terme, les conventions d'entraide fiscale permettront la transmission automatique des données fiscales sur les ressortissants étrangers établis dans les grands paradis fiscaux, la Suisse en tête. L'autre possibilité qui pourrait être porteuse est celle de suivre la piste du blanchiment d'argent, car à partir du moment où l'origine des fonds est illégale, que ceux-ci passent par l'étape de l'entrée, de la multiplication des montages financiers et de la sortie, toute transaction tombe sous le coup des règlementations ayant un rapport avec le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Reste que la question de la restitution des fonds demeure une problématique qui dépend du degré de coopération des pays incriminés. La Suisse, qui s'est certes engagée dans un processus tendant à en faire un pays fiscalement coopératif, rechigne à restituer les fonds à leurs pays d'origine. Le cas le plus édifiant étant celui de la Tunisie, qui a réclamé le retour des fonds transférés par le clan Ben Ali-Trabelsi, requête à laquelle la justice suisse s'est opposée. Que dire des nombreux pays et possibilités qui s'offrent à ceux qui souhaiteraient cacher un bien mal acquis. En Algérie, le focus est mis sur les paradis fiscaux européens, tels la Suisse ou le Luxembourg, ou encore sur les places arabes comme Dubaï. On oublie souvent d'évoquer Hong-Kong, qui commence à être une destination privilégiée. Les plateformes offshore bénéficiant de régimes fiscaux, bancaires et réglementaires favorables de l'océan Indien et de l'Atlantique, ainsi que des pays pourtant classés coopératifs, encore mal connus de l'opinion publique algérienne, semblent pourtant prisés par les nouveaux oligarques algériens, lesquels bénéficient des conseils «avisés» de consultants au portefeuille clients planétaire. Autant de destinations qui abritent des fonds qu'il est rare et même impossible de voir revenir vers le pays d'origine.