L'article 126 de l'ordonnance 03-11 sur la monnaie et le crédit interdit clairement la constitution de tout avoir, qu'il soit immobilier, mobilier, fiduciaire ou bancaire, à partir de fonds provenant d'Algérie. Les révélations de SwissLeaks font l'effet d'une bombe depuis dimanche soir. Largement commenté par les médias du monde entier, le scandale des comptes cachés de la filiale suisse de la banque HSBC matérialise les appréhensions communes à plusieurs pays, concernant le phénomène de l'optimisation fiscale, euphémisme consenti, pour évoquer la fraude et l'évasion fiscale. Cependant, pour ce qui est du cas des clients de nationalité algérienne disposant de comptes bancaires en Suisse, la problématique dépasse largement la question de «l'optimisation fiscale» et de la nécessité de rapatrier les avoirs, constitués à l'étranger, même par le biais d'une transaction avec l'administration. En Algérie, la question est plus grave et relève de l'illégal, de l'infraction à la législation et à la réglementation des changes. Selon les premières données publiées par le Consortium international des journalistes d'investigation, 440 clients de nationalité ou ayant un lien direct avec l'Algérie disposent d'un compte au niveau de la filiale suisse de HSBC. Or, cela est impensable car interdit dans un pays où le contrôle des changes est de mise. D'ailleurs, l'ordonnance 03-11 sur la monnaie et le crédit est claire à ce propos. L'article 126 de ladite ordonnance interdit clairement la constitution de tout avoir, qu'il soit immobilier, mobilier, fiduciaire ou bancaire, à partir de fonds provenant d'Algérie, sauf autorisation express de la Banque d'Algérie. Une autorisation que celle-ci n'accorde d'ailleurs que très rarement et dans le cadre d'investissements à l'étranger. Encore mieux, afin d'expliciter de manière définitive les dispositions concernant les avoirs à l'étranger, la Banque centrale a publié le 3 février 2007 une prescription spécifique aux règles applicables aux transactions courantes avec l'étranger et aux comptes devises. L'article 8 est d'ailleurs on ne peut plus clair : «Hormis les cas expressément prévus par l'article 126 de l'ordonnance n°03-11 (…), la constitution d'avoirs monétaires, financiers et immobiliers à l'étranger par les résidents à partir de leurs activités en Algérie est interdite.» De source bancaire, on insiste sur le fait que l'interdiction frappe la constitution d'avoirs à partir d'activité en Algérie et relève plus de la répression et de la lutte contre la fuite des capitaux. Et d'ajouter que si, par exemple, il arrivait à une personne résidente en Algérie de toucher un héritage ou une donation à l'étranger, cela ne serait pas frappé d'interdiction. Pourtant, le texte de la Banque d'Algérie définit les personnes résidentes en Algérie comme étant celles ayant leur activité principale, donc leur rémunération, en Algérie, ce qui ouvre la porte à diverses interprétations du texte. Des peines de 2 à 7 ans de prison En tout état de cause, on s'accorde sur le fait que les dispositions prises ont pour objet la lutte contre le blanchiment d'argent et la fuite de capitaux. La constitution de ce genre d'avoirs est elle-même une infraction et tombe sous le coup du droit pénal, induisant aux contrevenants amendes et peines d'emprisonnement. Ainsi selon l'article 1 bis de l'ordonnance n°96-22 du 9 juillet 1996, relative à la répression des infractions à la législation des changes modifiée en 2003 et en 2010, quiconque commet l'une des infractions à la législation des changes «est puni d'une peine d'emprisonnement de deux ans à sept ans et d'une amende qui ne saurait être inférieure au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction». Il n'en est pourtant rien. Le fait est, nous explique-t-on, qu'il est compliqué de débusquer ce genre d'avoirs dans des pays où le secret bancaire est sacralisé, ou qui ne sont pas connus pour être coopératifs en matière d'entraide fiscale. De source bancaire, on met à l'index le secret bancaire suisse que seuls les Etats-Unis ont réussi à lever pour une partie de leurs exilés fiscaux. Et d'ajouter que malgré l'existence d'un accord d'entraide judiciaire et de la signature par la Suisse de la Convention internationale d'entraide mutuelle en matière fiscale, le secret bancaire peut toujours l'emporter. Une tâche qui se révèle d'ailleurs très ardue, ajoute notre source, lorsqu'il s'agit de traquer l'origine des fonds et de les tracer.