Le projet de loi relatif à la protection de la femme de toutes formes de violences sera maintenu. Et je tiens à préciser que ce document n'est pas contraire aux préceptes de l'islam et ne vise nullement la dislocation de la famille.» C'est en ces termes que le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, a répondu hier aux députés islamistes qui se sont élevés contre ce texte de loi, prétextant qu'il est en contradiction avec les préceptes coraniques. M. Louh a défendu son projet et a réfuté les accusations de ceux qui prétendent qu'il a été imposé et élaboré sous des pressions étrangères. «Nous sommes souverains dans nos décisions. Ce texte n'a pas été élaboré sous des pressions étrangères, mais s'inscrit dans le cadre d'une stratégie nationale pour la protection de la femme qui tient compte des spécificités religieuses et culturelles de la société algérienne», lance le garde des Sceaux, qui fait remarquer que le phénomène de la violence à l'égard des femmes a pris des proportions alarmantes ces dernières années et plus particulièrement durant la décennie noire. Ce texte a pour seul but, rappelle M. Louh, de consolider la place de la femme dans la société et la protéger des différentes formes de violences. «Si cette démarche et ce projet ne sont pas du goût de certains partis, je n'y peux rien. Moi je le trouve parfait. Personnellement, j'ai une femme et des filles et je dois préserver leur dignité. Personne ne peut accepter que la dignité de la femme soit bafouée et d'aucuns estiment qu'une loi s'impose pour la protection des femmes des violences conjugales, physiques et économiques», note-t-il. Le ministre a critiqué ouvertement les déclarations des députés de l'Alliance de l'Algérie verte qui ont soutenu que cette loi «va disloquer la famille algérienne», répliquant que le phénomène de la violence «est présent dans la société» et que «le projet a été préparé sur la base des statistiques de la police et des associations, et aussi des rapports des hôpitaux qui font état de cas dramatiques». Dans ses réponses aux islamistes, M. Louh emprunte leurs arguments basés sur la religion. Il a estimé que «le fait de ne pas prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la violence faite aux femmes est contraire aux préceptes de la charia qui protège la femme et préserve sa dignité». Il a ajouté que le projet de loi, qui sera soumis au vote aujourd'hui, prévoit le principe de réconciliation qui est également «un des principes de la charia». S'agissant de la violence économique et plus précisément l'article qui prévoit de punir l'époux qui s'approprie l'argent de sa femme, le ministre a rappelé que la loi est compatible avec la religion musulmane qui consacre «le principe d'indépendance financière de l'épouse». «La femme n'est pas obligée de partager son argent avec son mari et cette loi prévoit des sanctions dans ce sens. Seulement ce texte privilégie la réconciliation dans tous les cas, et ce principe consacre l'équilibre au sein de la loi, d'où l'introduction de mesures relatives au pardon», tonne le ministre. Concernant le volet des peines consécutives à l'abandon de famille par l'époux sans raison, le ministre a affirmé que ce point existait déjà dans le code de la famille auquel a été ajouté le cas de l'abandon de l'épouse par l'époux, qu'elle soit enceinte ou pas. Il a en outre précisé que les preuves juridiques en cas d'agression contre la femme seront consacrées progressivement suivant les affaires et les faits. Par ailleurs, en dépit des assurances du garde des Sceaux, les députés de l'Alliance de l'Algérie verte campent sur leur position et réclament le retrait de ce projet. Les députés ont proposé 16 amendements qui ont été soumis à la commission des affaires juridiques et le vote aura lieu aujourd'hui.