La rue a vibré, hier, au rythme des marches qui ont drainé des milliers de personnes venues battre le pavé à l'occasion de la célébration du 35e anniversaire du Printemps berbère. La mobilisation était au rendez-vous. Des citoyens ont marché dans la diversité mais surtout dans la sérénité à travers les différentes ruelles de la ville de Tizi Ouzou qui ont été prises d'assaut par les marcheurs. Les appels lancés par le RCD et le MAK ont enregistré un écho favorable chez la population. La première marche s'ébranle, peu avant 11h, devant le portail principal du campus universitaire de Hasnaoua. Il s'agit de celle du MAK, Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie, qui avançait lentement avec, au-devant de la foule, de grands étendards sur lequel on pouvait lire, entre autres, «Pour une Kabylie libre, démocratique, sociale et laïque» ; «Justice pour Matoub Lounès et les martyrs de Kabylie» ; «Pour l'autodétermination de la Kabylie». En arpentant la montée vers le stade du 1er Novembre, les marcheurs ont marqué une halte. A l'aide d'un mégaphone, un organisateur incitait les présents à rejoindre les carrés et à continuer la manifestation dans un climat pacifique. Des portraits de Ferhat Mhenni, président du GPK et ancien détenu d'avril 1980, ont été déployés par des marcheurs tout comme ceux de Matoub Lounès et Slimane Azem. Continuant son action, la foule s'est arrêtée au rond-point Djurdjura, devant le commissariat de police. «Ne répondez pas aux provocations. Soyez vigilents», exhortait un autre organisateur avant d'inviter les marcheurs à observer une minute de silence à la mémoire des victimes des événements de Kabylie. Et ce, avant que la procession ne poursuive son itinéraire sur le boulevard Abane Abane, tout en scandant, à gorge déployée : «Pouvoir assassin» ; «Nous ne sommes pas des Arabes» ; «Kabylie indépendante». Au centre-ville et devant une foule nombreuse, il a été procédé à la levée du drapeau berbère par les militants du MAK. Bouaziz Aït Chebib, président du MAK, a déclaré : «Notre chemin est celui tracé par Abane Ramdane, Bessaoud Mohand Arav, Mohamed Haroun et beaucoup d'autres militants kabyles qui sont morts pour la liberté.» Les marcheurs ont ensuite inauguré la placette baptisée au nom du chanteur Slimane Azem, aménagée devant le stade du 1er Novembre. Puis, la foule a commencé à se disperser dans le calme. La marche du RCD a démarré quelques minutes après celle du MAK et aussi dans le calme. A la tête de la procession, on a remarqué la présence du président du parti, Mohcine Belabbas et plusieurs cadres et élus du RCD. Dans une parfaite organisation, la foule a également emprunté la rue Lamali mettant en avant des banderoles sur lesquelles sont mentionnés, notamment des mots d'ordre en faveur de tamazight. «Revisitez l'histoire, Cirta n'est pas arabe» ; «Pour l'officialisation immédiate de tamazight» ; «Tafsut imazighen, nous ne t'oublierons jamais», lit-on aussi sur des pancartes portées par des militants du RCD qui se sont dirigés vers le centre-ville. Les marcheurs ont scandé, haut et fort, des slogans hostiles au pouvoir : «Y'en a marre de ce pouvoir», «Corrigez l'histoire, l'Algérie n'est pas arabe» et «Non à l'impunité des corrompus». Le sénateur Mohamed Ikherbane a, en s'adressant à la foule, estimé qu'une nouvelle fois «nous venons de faire une démonstration de force face à un pouvoir autiste et répressif. A travers cette énième mobilisation initiée par le RCD, le pouvoir n'a d'autre solution que d'officialiser tamazight qui est, à la fois, une réparation d'une injustice à l'encontre de la langue mère de l'Afrique du Nord mais aussi, une réponse aux sacrifices des militants assassinés pour cette cause, à l'image de Ouali Benai, Mebarek Aït Meguellet, Ferhat Ali, le docteur Mohand Saïd et tant d'autres en passant par Kamel Amzal jusqu'aux 126 martyrs du Printemps et sans oublier Matoub Lounès». «On veut renouer avec l'Algérie de nos origines. Notre combat est toujours pour l'officialisation de tamazight, le départ du pouvoir et le clan d'Oujda», a déclaré Mohcine Belabbas, devant le portail latéral du siège de la wilaya où les manifestants ont observé un rassemblement avant de se disperser dans le calme. Par ailleurs, notons que lors des deux marches, plusieurs commerçants de la ville ont baissé rideau.