Ces 25 dernières années, 1 milliard de personnes ont pu sortir de l'extrême pauvreté, réduisant de plus de moitié le nombre de personnes touchées par ce fléau. C'est là un résultat remarquable, mais nous pouvons faire encore mieux. Nous sommes convaincus qu'il est possible d'éradiquer l'extrême pauvreté au cours des 15 prochaines années. Par le passé, le commerce international, qui a stimulé la croissance économique et amélioré l'accès aux nouvelles technologies et aux innovations, a joué un rôle déterminant dans la réduction de l'extrême pauvreté. Il peut faire de même pour l'avenir. Toutefois, si le commerce peut accélérer la croissance économique, les personnes démunies ne tirent pas automatiquement parti des nouvelles possibilités commerciales. Pour beaucoup, les obstacles sont tout simplement trop nombreux pour leur permettre de profiter de l'augmentation des échanges. En raison des inégalités entre les hommes et les femmes, celles ci font face à diverses contraintes qui limitent leur capacité de participer au commerce. Les populations pauvres des régions rurales sont souvent éloignées des marchés et n'ont pas accès aux technologies comme les semences et les engrais modernes, qui pourraient leur permettre d'augmenter leurs revenus. En période de ralentissement économique, les travailleurs du secteur informel tombent souvent dans la pauvreté sans bénéficier d'aucun filet de protection sociale. Et plus de 40% des personnes qui vivent dans l'extrême pauvreté se trouvent dans des zones fragiles touchées par des conflits, ce qui les empêche de profiter des retombées positives du commerce. Le Groupe de la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce – les plus grandes organisations multilatérales dans les domaines du développement et du commerce – estiment cependant que diverses politiques peuvent aider les pays à faire en sorte que tous les citoyens tirent avantage du commerce, y compris les plus pauvres. Dans notre rapport conjoint intitulé «The Role of Trade in Ending Poverty» (Le rôle du commerce dans l'éradication de la pauvreté), sorti le 30 juin, nous recommandons cinq mesures de politique que les gouvernements et la communauté internationale devraient envisager pour faire en sorte que le commerce profite davantage aux populations pauvres. Premièrement, réduire les coûts du commerce contribuera à faire en sorte que les producteurs et les consommateurs soient mieux connectés aux marchés mondiaux. Concrètement, par exemple, la mise en œuvre de l'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges améliorera l'efficience et la gouvernance aux frontières et aidera à diminuer les coûts du commerce. Cela fera diminuer les prix pour les consommateurs les plus pauvres et créera des possibilités d'emploi dans les pays en développement. En Afrique, 5% seulement des importations de produits alimentaires de base proviennent d'autres pays africains, en partie à cause des obstacles au commerce intrarégional. Faciliter le commerce intra africain permettrait d'augmenter les revenus des agriculteurs pauvres tout en améliorant la sécurité alimentaire. Deuxièmement, les gouvernements et les institutions multilatérales doivent contribuer au financement de programmes locaux destinés à connecter les entrepreneurs aux marchés. Soutenir les activités des petits commerçants démunis, surtout les femmes, peut accroître les avantages du commerce, en particulier dans les zones rurales. Il s'agit notamment de faire tomber les obstacles internes qui augmentent les coûts pour les producteurs pauvres. Par exemple, notre rapport démontre que le fait d'accroître la concurrence dans le secteur du transport en Afrique de l'Ouest pourrait, en l'espace d'une décennie, faire diminuer de 50% les coûts de transport des produits agricoles. De meilleures informations sur les prix et les conditions du marché pour les producteurs pauvres peuvent aussi jouer un rôle utile. Les bourses de produits agricoles au Kenya et en Éthiopie exploitent l'accès des zones rurales aux services de téléphonie mobile pour fournir aux agriculteurs des informations par SMS au sujet du prix des cultures. Jusqu'à trois quarts des agriculteurs ont déclaré que cette fonctionnalité les avait aidés à accroître leurs revenus. Troisièmement, le soutien apporté par le gouvernement à diverses politiques complémentaires visant à améliorer la santé, l'éducation et les infrastructures créera les conditions nécessaires pour assurer une plus large participation au système commercial. De grands défis se posent en la matière, et les lacunes au niveau du financement des infrastructures sont importantes. D'après des estimations récentes de la Banque mondiale, l'Asie du Sud nécessite à elle seule des investissements dans l'infrastructure de transport d'un montant compris entre 411 et 691 milliards de dollars (prix 2010) jusqu'en 2020 pour mieux connecter la région. Quatrièmement, les gouvernements et les organisations doivent améliorer les systèmes de gestion et d'atténuation des risques auxquels les populations pauvres sont exposées. Par exemple, en mettant en place des filets de sécurité sociale adéquats, nous pourrions rendre les populations mieux à même de résister aux chocs externes et de saisir des possibilités d'améliorer leurs conditions de vie. Les politiques commerciales peuvent également contribuer davantage à la gestion des risques. En Afrique de l'Est, par exemple, la diminution des obstacles au commerce pourrait atténuer les risques que le changement climatique fait peser sur la sécurité alimentaire. Enfin, les gouvernements doivent disposer de données de meilleure qualité. Améliorer la collecte et l'analyse des données permettra aux autorités de concevoir et de mettre en œuvre des politiques efficaces pour maximiser les avantages que procure le commerce. Des méthodes novatrices de collecte de données fournissent de nouveaux moyens d'atteindre directement les plus démunis. Par exemple, des enquêtes pilotes menées par SMS auprès des commerçants pauvres constituent de nouvelles méthodes pour identifier les problèmes de corruption que ceux ci rencontrent. Beaucoup d'excellents travaux sont déjà en cours, mais il existe bien d'autres possibilités pour faire en sorte que le commerce soit profitable à tous. Nos organisations unissent leurs efforts pour tirer parti des possibilités commerciales de manière à contribuer au développement économique, surmonter les obstacles qui empêchent les plus pauvres de bénéficier des avantages du commerce, augmenter les niveaux de revenu et améliorer les conditions de vie des populations. Nous nous engageons à conduire une approche plus coordonnée qui permettra à tous de jouir des avantages majeurs du commerce et nous rapprochera de l'objectif historique consistant à éradiquer l'extrême pauvreté en à peine 15 ans. (*)M. Jim Yong Kim est Président du Groupe de la Banque mondiale. L'Ambassadeur Roberto Azevêdo est Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce.