Samedi après-midi, des milliers de personnes ont assisté à l'enterrement de sept membres d'une même famille, mortes dans un puits dans la nuit de vendredi dans la petite localité de Cheffa, commune de Khellil, à 40 km à l'est de Bordj Bou Arréridj. La cérémonie s'est déroulée dans la tristesse et a réuni un grand nombre de citoyens venus des communes voisines ainsi que les autorités locales, qui ont fait le déplacement pour présenter leurs condoléances aux familles des victimes. Les sept dépouilles ont été déposées d'abord devant le domicile familial, avant la prière d'el asr, avant d'être enterrées au cimetière de Cheffa. Aux larmes se sont mêlés des youyous. Sous une chaleur suffocante, on rappelait les souvenirs partagés avec les défunts, alors que des télévisions privées interviewaient parents et amis des victimes. «C'est une grosse perte pour leurs familles», répétaient des voix dans la foule. Cette disparition laisse des familles sans ressources et pas moins de six veuves et 14 orphelins. Ce n'est pas la première fois que ce genre de drame arrive dans cette paisible localité. Cette affaire nous rappelle étrangement celle qu'avaient connue des cousins proches dans la localité en 2009, où trois personnes d'une même famille ont péri, semble-t-il, dans les mêmes circonstances. Selon les informations recueillies sur place, c'est dans le but de nettoyer un puits profond de 18 m, afin de le réutiliser pour subvenir aux besoins de la famille en eau potable, que trois des victimes avaient installé la pompe à mazout à l'intérieur. L'un des membres de la famille est descendu dans le puits pour procéder au pompage. Au bout de quelques minutes, il ne répondait plus aux appels après avoir inhalé du monoxyde carbone dégagé par la pompe. Sans aucune mesure de sécurité, deux de ses frères décidèrent de descendre pour voir ce qui se passait. Malheureusement, ils ne donnèrent point signe de vie, asphyxiés eux aussi par le gaz. C'est ainsi qu'après plusieurs heures sans nouvelles, quatre autres jeunes cousins ayant voulu secourir leurs proches ont subi le même sort, avant que d'autres, à l'extérieur, ne fassent appel à la Protection civile. Mais c'était trop tard, les sept victimes avaient déjà péri dans le puits. Toutefois, les éléments de la Protection civile qui se sont déplacés sur les lieux rapidement ont pu empêcher d'autres personnes de descendre dans le puits. Les sept victimes appartiennent toutes à la même famille et étaient âgées entre 18 et 43 ans. Asphyxie ou noyade ? Malgré les efforts des secouristes pour ranimer les corps, les médecins n'ont pu que constater leur décès. Pour le commandant de la Protection civile, Benkhelifa Abdellah, le gaz carbonique dégagé de la pompe à mazout introduite à l'intérieur du puits, situé dans un lieu confiné (garage), n'a laissé aucune chance aux victimes. L'exposition aux gaz d'échappement des moteurs à carburant peut entraîner la toux, ainsi qu'une sensation de démangeaison ou de brûlure des yeux. L'inhalation de gaz d'échappement peut causer une irritation des poumons et surtout pomper tout l'oxygène. «Le monoxyde de carbone est un gaz incolore et inodore. Sa densité est voisine de celle de l'air. Sa présence résulte d'une combustion incomplète et ce, quel que soit le combustible utilisé : bois, butane, charbon, essence, fuel, gaz naturel, pétrole, propane. Il se diffuse très vite dans l'environnement», a déclaré le commandant Benkhelifa. «Il agit comme un gaz asphyxiant très toxique qui, absorbé en quelques minutes par l'organisme, se fixe sur l'hémoglobine : 0,1% de CO2 dans l'air tue en une heure ; 1% dans l'air tue en 15 minutes et 10% de CO2 dans l'air tuent immédiatement», ajoute-t-il. Les victimes, selon des spécialistes, seraient mortes d'une combinaison entre l'asphyxie au gaz carbonique et la noyade dans l'eau, après avoir perdu connaissance. Mais l'autopsie déterminera les causes exactes. Profitant de cette occasion, le commandant Benkhelifa a recommandé à tous les habitants de faire appel aux services de la Protection civile pour le curage de leur puits : «Nous avons les moyens humains et matériels, les techniques et le savoir-faire pour le faire.» Et d'ajouter que ses services sont disposés à aider toutes les personnes qui cherchent un conseil. Il a appelé aussi les paysans à respecter les consignes de sécurité en creusant des puits dans des endroits non confinés, utiliser des pompes électriques qui sont moins dangereuses, avertir les pompiers avant le nettoyage d'un puits et appeler rapidement les secours dès les premières minutes. Le manque d'eau pousse à tout faire Pour les proches et les habitants de cette localité, le manque d'eau potable pousse les habitants à en chercher même au péril de leur vie. La rareté de l'eau potable dans la commune d'Ath Mansour continue d'empoisonner la vie des habitants, alimentés à raison de deux fois par mois. Un vieux villageois rencontré à l'enterrement des sept victimes nous a confié à ce sujet : «Avoir de l'eau deux fois seulement chaque mois est une aberration. Nous en avons marre de cette situation qui a trop duré.» «Pendant l'été, c'est le calvaire. Nous recourons, à chaque fois, à l'achat de citernes d'eau, ce qui n'est pas à la portée de tout le monde», peste un autre habitant. «Cette situation pousse les habitants à revenir aux anciens puits pour s'approvisionner en eau potable», ajoute un autre citoyen traumatisé.