Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, pressentait-il l'éclatement des scandales de corruption qui éclaboussent depuis quelques semaines la classe dirigeante algérienne ? Dans une instruction présidentielle, la n°13, datée du 13 décembre 2009, il semblerait qu'il ait exigé de son gouvernement et des institutions de contrôle de rationaliser les dépenses publiques, d'une part, et de combattre la corruption dans ses moindres manifestations, d'autre part. Le contenu de cette instruction, dévoilé par le quotidien El Khabar, est indubitablement d'actualité et certains analystes ne manqueront pas d'établir une relation de cause à effet entre ces directives et les « affaires » récemment mises à nu. Ainsi, le président de la République demande à son Premier ministre de « dresser une liste des postes à responsabilité sensibles où les possibilités de corruption sont les plus élevées, afin de procéder à un contrôle rigoureux et continu de leurs activités ». Par ailleurs, le chef de l'Etat exige de chaque responsable, quel que soit son poste, d'effectuer une déclaration de patrimoine complète où seraient non seulement mentionnées ses propriétés, mais où seraient aussi obligatoirement consignés les biens de son épouse et de ses enfants. De même, des justificatifs devront être fournis à chaque changement de patrimoine individuel ou familial. Et, comme affirmé par le document, nul n'est à l'abri de la loi, puisque même l'auteur de l'instruction, le Président, est soumis à cette déclaration de propriété. Seulement, il semblerait que personne, jusqu'à l'heure, ne se soit plié au jeu. Selon la même source, le Président estime que dans cette traque à la corruption et au détournement de deniers publics, les organismes en charge du contrôle se doivent de prêter une attention particulière aux « indicateurs de corruption » comme les « signes extérieurs de richesse » qui apparaîtraient de manière trop soudaine et ostentatoire sur les fonctionnaires. Le Président insiste aussi quant à la traçabilité des transactions immobilières, qui revêtent « un caractère sensible car elles contribuent au blanchiment de fonds acquis illégalement ». Les bureaux d'études sont au centre de toutes les déclarations de guerre lancées à l'encontre de la gestion occulte des financements publics. Le chef de l'Etat incrimine ainsi certains opérateurs nationaux qui activent au « profit d'experts étrangers fictifs » et ce, à travers des études étrangères en contrepartie d'honoraires faramineux, transactions effectuées, évidemment, en devises. Quant au recours aux bureaux d'expertise étrangers, il ne se fera qu'en cas d'absence de compétences nationales requises dans un domaine donné. En exécution de cette instruction présidentielle, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait publié, le 31 décembre 2009, deux circulaires gouvernementales relatives aux marchés publics et aux conditions de passation de contrats. Dans ce cadre, le gouvernement avait décidé de centraliser toutes les décisions relatives aux études auprès d'un organisme. Qui ne semble toutefois pas encore mis en branle. Tout comme les institutions chargées de combattre la corruption, « cette maladie sociale qui non seulement menace le développement et l'équilibre du pays, mais menace aussi notre sécurité nationale », dixit le président Bouteflika.