Avec ce 2e livre hommage à Iguerbouchene, en plus de Influences de la musique sur le comportement humain, le Dr Ounnoughene aura ressuscité l'âme du compositeur-musicien universel qu'était (et restera toujours certainement) l'œuvre de l'enfant d'Aït Ouchene (Aghribs), élève de comte Ross (Royal Academy of music de Grande-Bretagne), puis du Pr Alfred Grunfeld (Autriche). L'auteur plonge son lecteur dans les profondeurs musicales métissées, fusionnées, brassées… par des compositeurs divers remontant à il y a plusieurs siècles et issus de continents multiples (latino-américain, euro-africain et arabo-asiatique…) dont Iguerbouchene n'a pas manqué de s'y imprégner au fil de sa vie. Le Dr Ounnoughene retrace un parcours atypique d'un Iguerbouchene influencé par toutes les musiques du monde, d'où son remarquable talent. Selon l'auteur (p. 82), Mohamed Iguerbouchene, nourri par des traités de la musique arabe, avait dit un jour que «par la théorie de la circulation et en transposant chaque gamme, qui compte 18 degrés, on obtient 1428 combinaisons tonales», ce qui fait toute la richesse de la musique orientale, souligne-t-il. En 1940, une période pénible de la 2e Guerre Mondiale, Iguerbouchene, après avoir conduit la direction orchestrale à la BBC, est chargé de la direction musicale de la radio «Paris Mondial», une fréquence qui constituait le porte-voix de la France à l'étranger en 24 langues, ajoute l'auteur, précisant que c'est à ce temps que François Mitterrand, alors secrétaire d'Etat à l'Information, le charge de créer la chaîne kabyle de la RTF à Paris, à travers laquelle il y animera l'émission «Trésors de la musique». En 1956, relève le Dr Ounnoughene, Iguerbouchene entamera sa carrière comme chef d'orchestre aux «Emissions en langues arabe et kabyle» (Elak). Plus de 160 œuvres, constituant une fusion entre les musiques afro-orientales et occidentales, seront réalisées au terme de la même année. Dans Mohamed Iguerbouchen, une œuvre intemporelle, le lecteur saura beaucoup de choses sur les réalisations du musicologue, telles ces bandes son conçues et adaptées à d'innombrables films de renom, ainsi que de ses côtoiements de grands maîtres, paroliers, comédiens, acteurs… Dans son ouvrage, le Dr Ounnoughene nous apprend (p.84) qu'Iguerbouchene, qui maîtrisait le parler de six langues étrangères, était membre du comité de l'association des journalistes et artistes de France et d'outre-mer. Il avait publié des récits et des contes, puisés du patrimoine algérien, tels que Sadok, marchand de ruses (12/1953), Ghazlane, la favorite (01/1954), Aïcha la calamiteuse (05/1954), etc. Il fut élève à Paris du Pr d'Estaing à l'école des langues orientales où il apprit, de 1939 à 1942, le chaoui, le chleuh et le tamachaq. En 1963, Iguerbouchene signera à la radio kabyle une série d'émissions hebdomadaires sur les musiques du monde. Enfin, dans l'ouvrage du Dr Ounoughene, l'auteur étalera pour le lecteur de très intéressants témoignages de quelques amis encore en vie de Mohamed Iguerbouchene. C'est le cas de Karim Tahar, un illustre chanteur, et non moins ancien champion de boxe, de Mustapha Sahnoun, membre de l'ancienne troupe artistique FLN, de Mohamed Mokhtari, de Zoheir Abdelatif, de Salem Kerrouche, tous auteurs, compositeurs, producteurs, professeurs de musique. Selon eux, Iguerbouchene, «un héraut de la chanson contemporaine, un merveilleux chef d'orchestre, qui innove, n'a pas été exploité à sa juste valeur. L'ex-RTA n'avait pas donné la considération méritée, à la dimension de ce Monsieur», déplorent-ils. Au 23 août 2015, cela fait 49 ans que le musicologue a quitté ce monde. 130 pages qui se lisent d'une traite.