«Le Président a signé un décret (…) entré en vigueur à minuit» (21h GMT). Il a ordonné «à toutes les forces gouvernementales de cesser le feu et de rester dans les bases où elles se trouvent», a déclaré le porte-parole présidentiel Ateny Wek, précisant qu'elles étaient autorisées à riposter en cas d'attaque. «Cet ordre a été donné dans le cadre de la mise en œuvre de l'accord de paix», paraphé mercredi à Juba par Salva Kiir, neuf jours après la signature apposée à Addis-Abeba par le chef des rebelles, son ancien vice-président Riek Machar, a-t-il indiqué. L'accord prévoit un «cessez-le-feu permanent» dans les 72 heures suivant la signature de l'accord. «Nous attendons de Riek Machar qu'il fasse de même avec ses forces», a poursuivi le porte-parole de Salva Kiir, mais «reste à savoir quel degré de contrôle Riek Machar aura sur ses troupes». La rébellion «n'est plus sous le contrôle d'une seule tête, mais la communauté internationale a fait la sourde oreille» à cet argument, a-t-il souligné, semblant douter à l'avance que les rebelles mettent fin aux hostilités. Plusieurs importants chefs militaires ont récemment fait sécession de la rébellion et rejeté tout accord signé par Salva Kiir et Riek Machar. Dissidences qui rendraient l'accord inapplicable, selon les autorités sud-soudanaises. Réticences Menacé de sanctions internationales, le président Kiir a signé, non sans réticence, l'accord de «paix imposée» et fait état de «16 réserves» à diverses dispositions du texte. Accord qui met fin à 20 mois de guerre civile au Soudan du Sud. «La paix que nous signons aujourd'hui contient tellement de choses que nous devons rejeter (…). Ignorer de telles réserves ne serait pas dans l'intérêt d'une paix juste et durable», a déclaré S. Kiir, avant de signer le document devant les dirigeants de la région. Dénonçant des «dispositions néfastes» de l'accord, il a remis aux médiateurs et aux dirigeants de la région un document de 12 pages contenant les réserves de son gouvernement. Il n'a pas précisé sur quels points portaient les réserves, mais il a assuré que celles-ci seraient publiées incessamment. Selon des responsables sud-soudanais, la démilitarisation de Juba ou la large représentation accordée aux rebelles dans le cadre du partage du pouvoir local dans l'Etat pétrolier du Haut-Nil posent problème. Cet accord «n'est ni la Bible ni le Coran, pourquoi ne pourrait-il pas être réexaminé ?» a indiqué le président Kiir. Et de poursuivre : «Donnez-nous du temps pour voir comment on peut corriger ces choses», sachant que les médiateurs ont déclaré que l'accord est définitif et non modifiable. Cet «accord de résolution du conflit au Soudan du Sud» a été signé le 17 août à Addis-Abeba par l'ancien vice-président Riek Machar, chef des rebelles qui affrontent les forces gouvernementales depuis décembre 2013. Le président Kiir a refusé d'en faire de même ce jour-là et réclamé 15 jours pour des «consultations». Le chef de ces négociateurs, le ministre de l'Information Michael Makuei, a qualifié l'accord de «capitulation inacceptable». Salva Kiir a aussi dénoncé «les messages d'intimidation» à son encontre, faisant référence aux menaces de sanctions agitées par la communauté internationale. La veille, le Conseil de sécurité des Nations unies avait prévenu qu'il agira «immédiatement», si l'accord de paix n'est pas signé par le président Salva Kiir. L'accord de paix a été négocié par les pays de l'Organisation intergouvernementale est africaine (Igad), l'ONU, l'Union européenne, l'Union africaine, la Chine, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. En résumé, le texte prévoit un «cessez-le-feu permanent» entrant en vigueur dans les 72 heures de la signature de l'accord par les parties au conflit. Dans les 30 jours, celles-ci procéderont «à la séparation, au rassemblement et au cantonnement» de leurs forces combattantes en vue notamment de l'enregistrement et du stockage des «armes, munitions et autres équipements» et de mesures de «désarmement, démobilisation et réintégration». A terme, les forces belligérantes seront unifiées au sein des Forces nationales de défense du Soudan du Sud (NDFSS). Les forces régulières étrangères, essentiellement l'armée ougandaise qui combat aux côtés des troupes gouvernementales sud-soudanaises, doivent quitter le territoire sous 45 jours après la signature. Les forces non gouvernementales étrangères, principalement des milices soudanaises, seront «désarmées, démobilisées et rapatriées» dans un délai de 90 jours. Sur la question du pouvoir, une «période transitoire» de 30 mois, durant laquelle Salva Kiir reste Président, s'ouvre 90 jours après la signature. Au côté de l'actuel vice-président, un poste de «premier vice-Président» est attribué aux rebelles. Un «gouvernement transitoire d'union nationale» est formé et entre en fonction à l'ouverture de la «période transitoire». Il compte 30 ministres : 16 attribués au gouvernement actuel, 10 à la rébellion et 4 aux autres forces politiques. Une Assemblée transitoire comprendra les 332 députés actuels, auxquels seront intégrés 50 députés de la rébellion et 18 d'autres forces politiques. Dans sept des dix Etats du pays, le gouvernement actuel récupèrera 85% des postes des exécutifs locaux contre 15% pour les rebelles. Ceux des trois Etats d'Unité, du Haut-Nil et du Jonglei, principaux champs de bataille du conflit, sont répartis à 46% pour le gouvernement et 40% pour les rebelles, le reste allant aux autres forces politiques. Des élections doivent être organisées au plus tard 60 jours avant la fin de cette «période transitoire», soit début 2018. Le Soudan du Sud a proclamé son indépendance en juillet 2011 après 30 ans de conflit avec Khartoum. Le 15 décembre 2013, une fusillade éclate au palais présidentiel à Juba. C'est la guerre civile. Le président Salva Kiir accuse son ex-vice-président, Riek Machar, qu'il a démis de ses fonctions en juillet 2013, d'être derrière cette tentative de coup d'Etat. Ce dernier dément et reproche au Président de vouloir confisquer le pouvoir.Amnay Idir