Le Parti libéral du Canada, appelé parfois «natural governing party of Canada» (le parti destiné naturellement à gouverner le Canada, ndlr), revient au pouvoir après 10 années dans l'opposition. Il bat le Parti conservateur dominé par une minorité néoconservatrice et relègue à la troisième place le Nouveau parti démocratique (NPD); formation de centre gauche, donné favori pendant la majeure partie d'une campagne électorale qui a duré 78 jours. Le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, 43 ans, fils du célèbre Premier ministre canadien Pierre-Elliott Trudeau, devient ainsi le 23e Premier ministre du Canada, une fédération qui fêtera ses 150 ans en 2017. Selon les décomptes des différents médias canadiens, le Parti libéral a remporté 184 sièges sur les 338 que compte le Parlement. Les conservateurs obtiennent 99 sièges et les néo-démocrates 44. Le Bloc québécois, un parti séparatiste fédéral, remporte 10 sièges et les Verts maintiennent leur unique députée. «Les Canadiens ont choisi le changement, un vrai changement», a déclaré Justin Trudeau dans son discours devant ses partisans qui fêtaient la victoire de leur parti. «Les Canadiens, d'un bout à l'autre de ce beau pays, ont envoyé un message clair : c'est le temps d'un changement, d'un vrai changement», a-t-il ajouté. Il a affirmé aussi que «la politique n'a pas besoin d'être négative et à base d'attaques personnelles», tout en s'engageant à ne «jamais diviser les Canadiens», faisant référence à la stratégie électorale des conservateurs qui ont joué la carte de la peur de l'autre, particulièrement le musulman réduit à sa minorité intégriste, pour se maintenir au pouvoir. Les conservateurs avaient profité d'un revers judiciaire qui autorisait les femmes portant le niqab à prêter le serment de la citoyenneté le visage couvert pour marteler un message qui peut séduire une partie de l'électorat franchement islamophobe ou xénophobe, qui rejoint aussi une opinion publique très attachée à l'égalité entre hommes et femmes. Bien qu'ayant passé près de 10 ans au pouvoir à Ottawa, le gouvernement défait n'a jugé utile de s'attaquer à ce problème qu'à la veille de l'élection de lundi dernier. Cette stratégie a été dénoncée pendant la campagne électorale. Pour Justin Trudeau, alors encore candidat, «c'est un autre exemple qui montre que M. Harper fait tout ce qu'il peut pour détourner l'attention du fait qu'après 10 ans d'échec de son approche économique, les Canadiens veulent du changement. Ses priorités ne sont pas à la bonne place». Le chef du NPD, de son côté, avait accusé le gouvernement conservateur sortant de «faire campagne sur le dos des minorités». «Le rôle d'un Premier ministre est de bâtir des ponts d'un groupe ethnique à l'autre, d'une province à l'autre, d'une religion à l'autre, a soutenu Justin Trudeau. Pour plusieurs observateurs, le nouveau Premier ministre aura du travail pour améliorer l'image du Canada dans le monde. «Le projet des conservateurs (dominés par une frange radicale de néoconservateurs) était de transformer la société canadienne elle-même en la convertissant aux thèses néoconservatrices, notamment et surtout l'abandon des composantes principales de l'Etat social (système public de santé et d'éducation, filet social), du souci de l'environnement et du multiculturalisme», expliquait récemment à El Watan Miloud Chennoufi, professeur en relations internationales au Collège des forces canadiennes de Toronto.