Du haut de ses soixante ans, Mme Mansouri Mazri Mounira incarne l'exemple parfait de la femme battante. Normalienne durant les premières années de l'indépendance, ancienne enseignante de langue française, elle choisira de quitter le domaine de l'enseignement en 1986 pour travailler, trois ans plus tard, aux côtés de son époux, Ahmed Mansouri, héritier du cheikh Hocine El Halouadji, artisan nougatier depuis 1938 dans le fameux quartier Arbaine Chérif, actuellement rue Ben Badis (ex-Alexis Lambert). « Je ne pouvais pas rester inactive, alors j'ai décidé avec mon mari de reprendre notre activité d'artisans nougatiers en 1989 sous l'œil superviseur de mon beau-père », nous déclara Mme Mansouri. « Nous avons commencé avec un chaudron en cuivre, une spatule en bois, un thermomètre et une balance classique, offerts par mon beau-père », se rappelle Mme Mansouri qui nous dira que son travail était mal vu par sa famille conservatrice bien qu'elle soit la première femme nougatière à Constantine et même en Algérie. Avec le temps, son dévouement pour son métier est devenu une passion intarissable. « J'ai consacré onze ans de ma carrière à chercher la meilleure formule et les bonnes astuces pour parfaire la fabrication du nougat aux noix, plus connu à Constantine sous El djaouzia ». Après des années de dur labeur, Mme Mansouri, aujourd'hui gérante de la coopérative Cirtabeille, est parvenue avec son mari à imposer un label de qualité. « Il nous arrivait de dormir trois heures par jour notamment durant le mois de Ramadhan », nous dira -t-elle. Après des années passées à Annaba, le couple s'installe à Constantine en mars 1994. En évoquant l'histoire du nougat, Mme Mansouri parle avec la ferveur d'une femme qui aime passionnément son métier au point de faire de son produit, fabriqué toujours d'une manière traditionnelle, un des fleurons de la ville de Constantine. Un effort qui trouve sa reconnaissance auprès des autorités de la ville et même des délégations étrangères qui ont eu l'heureuse occasion d'en faire la découverte. « Tout ce que j'ai pu réaliser pour Constantine et l'Algérie est une fierté pour moi », avouera Mme Mansouri qui conserve jalousement les lettres de remerciements, de reconnaissance et d'admiration des personnalités diplomatiques qui sont passées par son atelier de la cité des Combattants. Soucieuse de préserver un précieux héritage, elle n'hésitera pas à transmettre son savoir-faire à ses filles Faïrouz et Radia, qui sont elles-mêmes des artisans nougatières confirmées et inscrites à la chambre des arts et métiers de Constantine. « Tout ce que j'ai concrétisé durant toutes ces années devra rester un patrimoine national pour les futures générations », insiste Mme Mansouri qui nous avoue avoir refusé à maintes reprises des offres alléchantes pour la vente de la formule de fabrication El djaouzia ou s'installer à l'étranger. « J'encourage toutes les femmes, qui commencent dans un métier et veulent réussir, à se battre et à ne pas se décourager et baisser les bras, car le succès sera un jour au rendez-vous », conclura-t-elle.