Et ce fut le match référence tant souhaité ! Cet époustouflant Algérie-Côte d'Ivoire, on ne le dira jamais assez, aura été succulent de bout en bout, un match baroque, agrémenté d'une forte intensité dramatique ; bref, une ode au beau football. « Dimanche soir à Cabinda, dans la cuvette humide du stade de Chiazi, le football africain a offert au monde entier ce qu'il avait certainement de plus beau : du spectacle, du jeu offensif, des gestes fabuleux, tentés et réussis, et surtout un scénario incroyable de suspense », résume Frank Simon, l'envoyé spécial de France Football en Angola, avant de faire un magnifique hommage à nos vaillants Fennecs : « Les Fennecs ont écrit en lettres d'or un nouveau chapitre de leur épopée. Ils ont fait chuter le favori du tournoi en lui inscrivant trois buts, ce qu'aucune autre équipe africaine n'était parvenue à faire depuis le Ghana à la CAN 2008. Ils ont éliminé un mondialiste considéré jusqu'alors par la presse internationale comme le cador du continent. » Ce panégyrique, qui n'est évidemment pas le seul, repose la question de la réelle dimension de cette équipe et son nouveau statut continental, elle qui se l'est souvent jouée modeste et dont l'une des qualités justement est qu'elle se refuse à toute euphorie excessive. Même après l'éclatante victoire de dimanche et l'excellente partition livrée par nos onze matadors face à des superstars ivoiriennes pachydermiques, Saâdane garde les pieds sur terre et se garde de revoir à la hausse les objectifs des Fennecs. Dans une déclaration d'après-match, le sélectionneur national a eu ces mots rapportés par notre confrère Liberté : « Je préfère éviter de parler d'objectif. Nous n'allons pas changer d'habitude. On va aborder les demi-finales sans pression, mais avec la même envie de gagner. » Toujours cette humilité donc, teintée de lucidité (ou l'inverse), qui vient tempérer les ardeurs d'une nation enflammée par la magistrale démonstration des camarades de Meghni. Mais au-delà des déclarations d'intention en conférence de presse, il est indéniable que cette équipe nationale soit en droit d'aspirer à une place honorable dans le podium africain et dans le gotha du football mondial. N'humilie pas la Côte-d'Ivoire qui veut, et la manière avec laquelle Ziani & Co ont géré les débats renseigne sur le « pedigree » de cette formation qui promet encore beaucoup. Il est légitime, en effet, d'imaginer une progression exponentielle des Verts qui pourrait être rapidement récompensée. Il faut dire que l'incroyable empoignade avec la Côte d'Ivoire a valeur de « match d'homologation » qui vient ainsi valider un parcours, une doctrine, une façon de « créer » du foot, une marque. Désormais, les Fennecs sont un label de beau jeu. En arrachant leur ticket pour les demi-finales avec un tel panache et une telle classe personnalisée par la prestation et la prestance d'un Meghni au sommet de son art, le génie créatif d'un Ziani, l'engagement d'un Ghezzal, l'intelligence tactique d'un Yebda ou encore la rage de vaincre d'un Matmour, il est maintenant établi aux yeux de tous que notre EN est incontestablement de classe mondiale. Au-delà de leur force mentale, de cette grinta dont ils ne se départissent jamais, nos joueurs savent faire tourner le ballon. Le socle de notre foot, sa marque de fabrique, c'est bien sûr le jeu court, un jeu fort attrayant qui rappelle par certaines séquences celui du Barça, avec parfois de vraies passes à dix grâce à l'apport d'un milieu de terrain somptueux (Yebda, Meghni, Ziani, Mansouri). Mais à côté de ce jeu typiquement « latin », on a vu se développer un jeu long à l'anglaise qui nous a permis de prendre l'avantage sur la Côte d'Ivoire aux moments-clés de la partie. A la faveur de ce match référence – donc qui est à classer parmi le top 5 des meilleurs matchs jamais disputés par l'équipe nationale, toutes compétitions confondues – l'Algérie a d'ores et déjà assuré sa place sur le toit de l'Afrique. Une chose est certaine, au demeurant : nous avons gagné une équipe. Oui, cette équipe a du caractère, un mental d'acier (il suffit de voir la hargne de ce beau diable de Bougherra) et elle a surtout de l'avenir, vu la moyenne d'âge des joueurs. Mais comme nous sommes gourmands et que l'appétit vient en mangeant, il ne serait pas usurpé d'aspirer à remporter carrément cette édition de la CAN, vingt ans après celle de la génération Menad. Quant à la Coupe du monde, si on maintient ce niveau, une qualification aux huitièmes de finale à Johannesburg ne serait pas de la prétention. Pourvu que Capello ou Wayne Rooney nous narguent un peu, car, visiblement, ce costume d'outsider nous va à ravir. Pour cela, Saâdane a bien raison de décliner le statut de favori. Mais nul n'est dupe désormais du potentiel de ce groupe magique. Et comme l'écrivait Le Figaro après le triomphe de Cabinda, « le tsunami vert est en route »...