«C'était particulièrement sensible en Algérie» où le flux des rapatriés et des militaires qui regagnaient massivement la France croisait celui «des milliers de jeunes diplômés qui traversaient en sens inverse la Méditerranée, porteurs d'un espoir de réconciliation, de reconstruction et de développement partagé». C'est la trame de ces rencontres autour de Aïssa Kadri et Jacques Fournier, dont la première aura lieu aujourd'hui à Alger, à 18h, au Centre culturel français. Dans Ingénieurs en Algérie dans les années 1960. Une génération de la coopération (éditions Carthala, septembre 2014), les sociologues Aïssa Kadri et Mohamed Benguerna rappellent comment «dès les premiers jours de l'indépendance de l'Algérie un groupe d'ingénieurs : de jeunes Algériens qui se comptaient sur les doigts d'une main, des pieds-noirs qui avaient choisi de rester dans le pays qui les a vu naître… Des Français métropolitains indépendantistes ou de jeunes volontaires mobilisés pour la construction du jeune Etat-nation vont faire démarrer les centrales électriques, gérer et maintenir les aéroports, les routes, les barrages et les quelques entreprises stratégiques… Solidaires et engagés, ils participèrent à l'aventure de la construction de l'économie d'un pays exsangue, où tout était à faire». Les témoignages de leurs expériences «apparaissent comme autant de leçons d'une autre manière de concevoir les relations entre la France et l'Algérie, de concevoir ‘‘la coopération'', de penser le ‘‘transfert de technologie'' et de les refonder aujourd'hui», soulignent les auteurs. La question est de toute actualité. «L'Algérie retrouvée» «Le cœur et la raison unissent la France et l'Algérie.» C'est la conviction de Jacques Fournier, auteur de L'Algérie retrouvée 1929-2014 (Bouchène 2014 et Média Plus, 2015) — à la fois une autobiographie et un essai. L'autobiographie est celle du fils d'un «médecin de colonisation» à Cassaigne, aujourd'hui Sidi Ali, dans la région de Mostaganem. Sa famille s'installe en France en 1947, mais Jacques Fournier a, de l'autre côté de la Méditerranée, toujours maintenu le contact avec le pays de son enfance. Il revient régulièrement en Algérie pour des séjours privés ou à l'invitation d'institutions algériennes comme l'ENA. A l'occasion de son séjour en Algérie, Jacques Fournier donnera une conférence : «Ma rencontre avec Mohand Tazerout» au centre des Glycines, le 1er décembre. Dans L'Algérie retrouvée, il consacre un chapitre (chapitre III, Alliance kabyle) à la vie et à l'œuvre de Mohand Tazerout, dont il a épousé la fille et qu'il a bien connu depuis la fin des années 1940 jusqu'à son décès, en 1973. Dans cette conférence, Jacques Fournier insistera sur certains aspects méconnus ou controversés de la vie de Mohand Tazerout, intellectuel, germaniste, encyclopédiste «qui va s'engager à la fin de sa vie dans la guerre d'indépendance de l'Algérie aux côtés du FLN». «L'évolution de sa vision des rapports de l'Algérie avec la France (…) se reflète dans les écrits de la dernière période», nous signale Jacques Fournier, à l'exemple de L'Algérie de demain, en 1960, sous le pseudonyme de Moutawakil, aux éditions Regain, qui sortira en janvier 2016 chez Maisonneuve ; Histoire politique de l'Afrique du Nord (1961, éditions Subervie) qui a été réédité il y a deux ans par Allam El Afkar, en Algérie. Mohand Tazerout a également rédigé une traduction du Coran jamais publiée. A sa mort en 1973, Jacques Fournier et son épouse récupèrent le manuscrit et le remettent, à la faveur d'un voyage en Algérie, à un jeune cadre du ministère de la Culture dont la famille avait connu Mohand Tazerout pour qu'il soit édité en Algérie. Depuis, aucune trace de ce document. A signaler que Jacques Fournier a été conseiller juridique à l'ambassade de France au Maroc de 1961 à 1964, secrétaire général adjoint à l'Elysée (1981-1982), puis secrétaire général adjoint puis secrétaire général à Matignon (1982-1986) et enfin président de Gaz de France (1986-1988) et de la SNCF (1988-1994). Il rejoint le Conseil d'Etat pendant trois ans avant de prendre sa retraite en 1998. Il est l'auteur de plusieurs livres, dont Itinéraire d'un fonctionnaire engagé (Dalloz, 2008), L'Economie des besoins, une nouvelle approche du service public (Odile Jacob, 2013).