L'influence de M'hamed Issiakhem (1928-1985) fut considérable. Elle s'exerça non seulement auprès de ses compatriotes algériens, mais plus largement auprès des artistes maghrébins. Il était le révélateur d'une nouvelle vision, lucide et solennelle, exaltant l'articulation claire des volumes et la lumière vive et bleutée, grâce à une rigoureuse construction plastique et à une utilisation neuve des ombres. Les œuvres de M'hamed Issiakhem reflètent le chemin parcouru par la peinture algérienne dans les années soixante et soixante-dix. Le dénominateur commun de ses œuvres, d'inspiration pourtant si variée, est le goût de l'artiste pour une observation attentive des phénomènes lumineux et une interprétation anti-académique de l'art de peindre. M'hamed Issiakhem a introduit dans ses tableaux un esprit tour à tour fantaisiste, pathétique ou rebelle que l'on ne trouve chez aucun des peintres maghrébins de son époque. Cela ne l'empêcha pas d'être sensible au changement que subissait la peinture, surtout en Occident, entre 1950 et 1980. M'hamed Issiakhem a exposé ses œuvres à Paris, Moscou, Leipzig et Rome. Il a effectué de nombreux voyages à travers l'Europe, la Russie et les Etats-Unis d'Amérique. La rencontre avec le grand écrivain et dramaturge Kateb Yacine lui révèle les secrets du décor théâtral, pour lequel son enthousiasme se renforce en même temps que son amitié pour l'auteur de Nedjma. Les deux hommes deviennent des amis inséparables. C'est une période extrêmement féconde qui durera, pour les deux créateurs, jusqu'en 1985, année du décès de M'hamed Issiakhem. Notre grand artiste a peint des dizaines et des dizaines de toiles qui ont séduit le public et attiré les éloges des critiques d'art. Les expositions de M'hamed Issiakhem ont été toujours des triomphes. Cependant, le grand artiste remet toujours en cause les valeurs plastiques qui lui valent son succès. Il est constamment à la recherche de nouvelles techniques, de nouveaux courants plastiques. La période des années quatre-vingts est marquée chez M'hamed Issiakhem par la grande diversité de ses recherches : si l'abstraction surtout le fascine, c'est-à-dire une peinture située dans l'invention pure qui recrée le monde des formes suivant son propre désir et sa propre imagination, il s'intéresse également au cubisme et au fauvisme. Il exécute pendant cette période de grandes toiles, où les formes et les couleurs seules permettent d'appréhender une réalité «autre» que celle des formes «objectives». Ses recherches abstraites inédites se succèdent. Cette période d'effervescence dissimule sans doute un souci plus profond, réconcilier l'anxiété qui le tenaillait, la maladie qui brûlait ses entrailles et un besoin incoercible de se libérer, d'agir, de défier la mort. L'exercice au sens thérapeutique de la peinture dut le lui permettre.