Le travail diplomatique soutenu mené par les cadres du Front Polisario pour faire prendre conscience à la communauté internationale de l'illégalité de la présence du Maroc au Sahara occidental commence à porter ses fruits. Malgré cela, les jeunes Sahraouis s'impatientent. Face aux manœuvres marocaines, ils se disent «persuadés que seule la reprise de la lutte armée permettra aux Sahraouis d'accéder à l'indépendance». La pression des jeunes, qui s'estiment «floués» et «oubliés» par la communauté internationale, les responsables du Polisario la sentent monter. C'est la raison pour laquelle ils pressent aujourd'hui la communauté internationale d'agir. Et vite. Faute de quoi, ils ne pourront plus répondre de rien. En attendant, la plus grande des batailles diplomatiques remportées par les Sahraouis sur le colonialisme marocain est sans conteste la décision prise en décembre dernier par la Cour européenne de justice (CEJ) d'annuler purement et simplement un accord agricole et de pêche liant l'Union européenne (UE) et le Maroc depuis 1996. Rien que pour le volet pêche, cet accord rapportait aux autorités marocaines plus de 30 millions d'euros par année. La décision de la CEJ a tardé à «tomber» dans la mesure où le Maroc n'avait, à l'origine, aucun droit d'inclure dans l'accord en question le Sahara occidental, celui-ci étant répertorié par l'Organisation des Nations unies comme un territoire non autonome. Le Maroc a, en quelques sortes, vendu des droits qu'il ne détenait pas. Les autorités marocaines ont également reçu, quelques jours après, une gifle de la part du Parlement européen qui a adopté une résolution dénonçant aussi sans ambiguïté l'exploitation illégale par le Maroc des multiples ressources du Sahara occidental et les violations massives et systématiques par les services marocains de sécurité des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés. Le Maroc isolé en Europe A la suite de ces deux faits marquants, des pays européens, dont l'Allemagne, ont décidé de revoir leurs relations économiques avec la monarchie marocaine et de vérifier que les accords conclus avec le Maroc ne violent pas la légalité internationale. En Suisse, de grandes enseignes de la distribution ont pris carrément la résolution d'exclure de leurs étals les produits agricoles cultivés au Sahara occidental, mais exportés par le Maroc sous le label «produit au Maroc». Dans la foulée, la compagnie pétrolière française Total a arrêté les explorations pétrolières qu'elle menait au large des côtes sahraouies. De plus en plus isolé et à court d'arguments, le roi Mohammed VI s'est employé ces dernières semaines à activer ses réseaux et à mobiliser des lobbies pour tenter de renverser, en sa faveur, le rapport de force. Mais sans succès. Face au refus de l'UE de reconsidérer sa position et visiblement pris de panique, le Maroc a décidé de bouder, comme à son habitude. En faisant quoi ? Le gouvernement Benkirane a annoncé hier la «suspension des contacts» avec Bruxelles. Le Maroc, qui n'est pas allé jusqu'à rompre avec l'UE (il n'en a évidemment pas les moyens), a assorti sa décision d'une exception. Il n'est disposé qu'à discuter de l'accord agricole passé à la trappe par la Cour européenne de justice. Cela pour dire à quel point l'annulation de l'accord en question a fait mal au makhzen. Surtout politiquement. «Si l'ONU n'avance pas, le Polisario avancera» Rencontré, hier à Rabouni, en marge de la cérémonie d'ouverture des festivités du 40e anniversaire de la création de la RASD lancées par le président Mohamed Abdelaziz, le ministre sahraoui des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Salek, ne s'est pas montré surpris par l'attitude adoptée récemment par la Cour européenne de justice, l'UE ou par le Parlement européen à l'égard du Maroc, cela du moment, a-t-il dit, que «les Sahraouis mènent un combat juste». Pour lui, le Maroc n'a désormais d'autre choix que de se conformer à la légalité internationale. Invité justement à commenter la décision de Rabat de suspendre ses contacts avec Bruxelles, le chef de la diplomatie sahraouie s'est contenté de dire que «le Maroc navigue à contre-courant de la volonté du peuple sahraoui et de la communauté internationale». «La communauté internationale, les Nations unies, l'Union africaine et même l'Union européenne ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le territoire sahraoui. C'est pour cela que le Maroc est aujourd'hui dans une impasse. C'est la raison pour laquelle aussi il occupe la place qui était celle de l'apartheid. Il est le seul pays africain à ne pas être membre de l'Union africaine. Il est grand temps que le Maroc revienne à la raison et accepte d'appliquer ce qu'il a signé sous les auspices des Nations unies», a indiqué Mohamed Salem Ould Salek. S'agissant de la visite programmée de Ban Ki-moon dans la région, Mohamed Salem Ould Salek a révélé que «cela fait 8 mois que le Maroc — qui se comporte comme Israël avec les Palestiniens — essaye de la saborder et de l'empêcher», ajoutant que «le peuple sahraoui attend que l'ONU assume ses responsabilités et organise un référendum d'autodétermination». «Si l'ONU n'avance pas, le Front Polisario va avancer», a averti le responsable sahraoui qui a indiqué que la RASD a programmé un défilé militaire pour dire justement que «les Sahraouis sont disposés à reprendre leurs billes dans le cas où le statu quo actuel perdurerait». Mohamed Abdelaziz ne semble pas lui aussi se suffire des victoires diplomatiques engrangées par le Front Polisario. Dans une déclaration hier à la presse, il a tenu également à lancer «un appel urgent et important à la communauté internationale». «Toutes les nations doivent suivre l'exemple de l'Union africaine et reconnaître la RASD, car le Maroc a fermé toutes les portes qui mènent vers un règlement pacifique du conflit», a-t-il expliqué comme pour mieux insister sur les risques que fait courir sur toute la région le statu quo dans lequel le Maroc a fait prisonnier le conflit sahraoui. «Le Maroc a fermé la porte du référendum et celle des négociations. Il a même bouclé les territoires sahraouis occupés pour empêcher la visite de Christopher Ross, l'envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu."