Khadija, la fille de Taoufik Ben Brik – condamné à six mois de prison et emprisonné pour avoir embouti la voiture d'une femme et l'avoir brutalisée – s'adresse au président Zine El Abidine Ben Ali dans une lettre ouverte que nous reproduisons telle quelle, y compris avec les fautes d'orthographe : « Voilà plus de trois mois que mon père est en prison sans comprendre pourquoi. J'ai posé la question à maman... Je n'ai pas compris... J'ai lu dans les journaux tunisiens, je n'ai rien compris... je n'ai trouvé qu'insultes et blasphèmes... C'est horrible ! Mon père m'a appris à aimer Dieu, à aimer la patrie. Mon père m'a appris à aimer la vérité et à être bon avec autrui. Mon père m'a appris à prêcher la bonne parole et à aimer l'autre. Je sais que mon père est un ange, aussi permettez-moi de vous témoigner ce qui s'est passé ce jour-là, un jour que je n'oublierai jamais, un jour que le temps n'effacera jamais de ma mémoire... C'était le 23 octobre 2009, mon père est venu, comme d'habitude me chercher à l'école. Il était, ce jour-là, très fatigué. Malade, il avançait péniblement... j'avais remarqué la présence d'une voiture verte qui stationnait derrière la notre. A l'intérieur, il y avait une jeune femme. Papa est monté à l'intérieur de notre voiture et attendait que je prenne place. J'étais encore dehors, et avant même de démarrer, la voiture verte lui rentre dedans. Papa n'avait même pas encore eu le temps de mettre les clés dans le contact. Il descend pour voir s'il n'y avait de dégâts de part et d'autre. Seulement, la femme de la voiture verte l'interpelle et se met à crier. Elle l'agrippe, déchire sa chemise, et lance : à la police, à la police... Mon père appelle à l'aide et des ouvriers s'interposent pour les séparer et c'est ainsi que nous avons pu partir... Sur le coup, je n'ai rien compris, pourquoi cette agressivité, pourquoi cette violence... Je n'ai pas pu dormir cette nuit-là ni les nuits suivantes. L'ombre de son visage sombre et grincheux me persécute encore... Ses cris résonnent encore dans mes oreilles et chaque fois que je vois une petite voiture verte je frissonne de peur. Je jure devant Dieu que mon père, à aucun moment, ne l'a accostée. Je jure devant Dieu, qu'à aucun moment, il n'a proféré des insultes ni blasphèmes. Je jure devant Dieu qu'il ne l'a guère agressée ni endommagé son véhicule. J'étais présente et je témoigne. Tout témoignage autre que celui-ci n'est que blasphème. Et Dieu en est témoin. Vous êtes au courant ,sans ignorer, que mon père est gravement malade. Sa maladie est dégénérative et il n'a aucune immunité. Il a besoin d'un suivi médical régulier et quotidien. Moi aussi, je suis malade et c'est lui qui, périodiquement, m'emmène avec lui voir le médecin. La date de la visite est échue et je ne veux personne d'autre que lui pour m'emmener chez le médecin. Je ne veux que lui, rien que lui. Monsieur le Président Laissez-moi m'adresser au père que vous êtes. Père de Gazoua, Dorsaf, Syrine, Nesrine, Halima et Zine El Abidine junior. Au nom de l'amour que vous portez pour vos enfants. Au nom de l'enfance sacrée. Au nom du père que vous êtes, libérez mon père. Rendez-moi mon père... Rendez-moi mon père... Rendez-moi mon père... Par : Khadija Ben Brik