Il est dit que la majorité des élèves et étudiants n'aiment pas les mathématiques. Pourquoi d'après vous ? Même les pays les mieux classés dans le monde en mathématiques, tels que les Etats- Unis d'Amérique (14 médailles Fields, équivalent de prix Nobel, et la France avec 13 médailles) souffrent de la fuite des élèves et des étudiants de cette matière. Les mathématiques fondamentales interviennent partout (sciences de l'ingénieur, physique, chimie, biologie, génétique, informatique, téléphonie, électronique, économie, finance, marketing…). Elles soutiennent et ouvrent la voie à de nombreuses découvertes dans l'ensemble du corpus scientifique. La place des mathématiques dans l'ascension technologique humaine croît fortement à mesure des nouvelles découvertes. Elles agissent en continuité sur le progrès et d'une façon intense. L'algorithmisation des sociétés technologiques se déploie grâce et par les mathématiques. La production exponentielle de données numériques dans le monde ne peut être exploitée efficacement que par une étude mathématique pertinente. Le big data, la virtualisation, le stockage massif de l'information et son traitement automatisé ne peuvent avoir forme que par les mathématiques. La robotique progresse par les mathématiques. Un monde technologique ne peut prétendre aujourd'hui à l'innovation sans développer une recherche consistante en mathématiques. Que ça soit les mathématiques «fondamentales», ou «appliquées», un théorème très abstrait peut rapidement trouver une application très concrète. Les mathématiques constituent ainsi l'ingrédient fondamental du progrès, encore faut-il qu'elles soient identifiées en tant que telles par l'ensemble des citoyens. A mon avis, le désamour des mathématiques vient du fait qu'en Algérie, on ne rencontre les maths qu'à l'école et son enseignement les rend ennuyeuses, elles sont enseignées sans transmettre et faire comprendre aux élèves le sens de ce qu'ils font. Aujourd'hui on fait des maths au collège pour être prêt à faire des maths au lycée. Faire des maths se résumerait à apprendre par cœur des formules, des techniques pour les appliquer bêtement sans comprendre pourquoi, ce sont des ingrédients suffisants pour s'ennuyer et se décourager. Dans les années 1970 et 80 particulièrement, le niveau des matheux à l'université d'Alger était considéré comme très élevé. Mais très rapidement, le niveau a baissé, y compris et surtout dans les paliers inférieurs (primaire et secondaire). Quelles en sont les raisons les plus plausibles ? Effectivement, et avec le témoignage d'un prof de maths à l'école prépa de Paris, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en 2013 à Paris, il disait qu'il y a quelques années, il avait eu des étudiants algériens dans son cours et ils étaient les plus brillants en mathématiques, ils étaient des étudiants sortant de l'école algérienne. Et les raisons de cette baisse de niveau sont multiples : 1/ Une difficulté d'ordre didactique : L'enseignement des mathématiques, du primaire à la terminale, est dispensé en langue arabe, par contre à l'université il est en langue française ou anglaise dans la plupart des universités algériennes, ce qui conduit à la rupture du contrat didactique (l'étudiant ne maîtrise plus la terminologie, il est absorbé par les tentatives de comprendre les termes au lieu de s'investir dans le savoir). 2/ L'étudiant choisit sa filière selon le marché de l'emploi, et à ma connaissance, ce marché en Algérie et ailleurs n'offre pas grand-chose. 3/ Les objectifs, le contenu et les acquis attendus de l'enseignement des mathématiques sont généralement définis dans le curriculum. Au cours des dernières années, la majorité des pays, dont l'Algérie, ont révisé leur curricula de mathématiques de manière à accorder une plus grande priorité aux compétences, à accroître les liens transdisciplinaires et à accentuer les applications des mathématiques dans la vie de tous les jours. La démarche fondée sur les acquis d'apprentissage tend à apporter une réponse plus intégrale et plus souple aux besoins des apprenants. Cependant, une traduction efficace des objectifs du curriculum dans la pratique pédagogique dépend, entre autres, de l'encadrement spécifique apporté aux enseignants et aux établissements dans l'exécution des curricula, et c'est là qu'il y a défaillance ; la formation initiale et continue des enseignants n'est pas en adéquation avec le nouveau curricula. 4/ L'image des mathématiques et des mathématiciens : combien d'entre nous ont répété ces phrases devant des amis et des proches et surtout devant les enfants : je n'aime pas les maths, elles sont difficiles, les maths ça sert à quoi ?, les maths c'est trop difficile et surtout aucun avenir…, vous imaginez un peu l'image des maths qu'on donne à cet enfant ? Aujourd'hui, si vous deviez évaluer le niveau des matheux algériens que diriez-vous ? Il n' y a aucun doute, des Algériens matheux sont nombreux et ils ont prouvé leurs compétences à des manifestations nationales et internationales, il suffit de bien les prendre en charge dès le primaire et de bien les encadrer, la preuve, la délégation algérienne qui a participé à la coupe Euro-Maths fin mai 2016 à Paris a décroché la 2e place, sachant que ce groupe a été entraîné et préparé au sein des clubs de maths de l'Association algérienne pour le développement de l'enseignement des mathématiques et technologie de l'information A²DEMTI. En Août 2015, lors de la finale internationale des jeux mathématiques et logiques qui s'est déroulée à l'université Paris Diderot, un élève de 2AM (collège) a décroché la 3e place (la 1re journée des épreuves, il été classé premier) et un autre la 9e place. Ces clubs créés depuis 2012, regroupent des élèves qui aiment les maths, ils s'entraînent sur des jeux mathématiques (niveau primaire et début collège), puis sur des problèmes de recherche (fin collège, lycée et plus). On a plusieurs wilayas qui ont ouvert ces clubs, reste toujours qu'on trouve des difficultés financières et surtout des locaux pour héberger ces activités. Que faire pour justement faire progresser davantage cette spécialité ? Y a-t-il d'ailleurs, aujourd'hui un engouement pour ces études ? Monsieur le Premier ministre et Mme la ministre de l'Education, ont mis tous deux l'accent sur l'importance de cette matière dans le développement de notre pays lors de la conférence nationale sur l'éducation en juillet 2015. De son côté, l'Association algérienne pour le développement de l'enseignement des mathématiques et technologie de l'information (A²DEMTI) (www.aademti.org) a vu le jour le 05/05/2011 dans le but d'ouvrir et d'assurer des espaces d'échanges entre les acteurs concernés par l'enseignement de cette matière, à l'échelle nationale et internationale. D'ailleurs, avec les activités de notre association on a pu apporter un soutien assez considérable dans les formations des formateurs en didactique des mathématiques, en nouvelles technologies dans l'enseignement des maths et dans la préparation des élèves aux compétitions. «Dans les clubs des maths, on fait des maths autrement, en plus c'est génial on les fait avec nos amis, avec nos parents, c'est différent de la classe» a d'ailleurs, dit un jeune lycéen du club d'Azazga, et c'est là une des solutions pour faire aimer les maths en jouant. Par ailleurs, il est impératif que le marché du travail mette en valeur les diplômés en mathématiques. Il faut également créer des IREM (Institut de recherche en enseignement des maths). Dans ce sens, l'association vient de lancer le projet EREM (Equipe de recherche en enseignement des mathématiques à Tizi Ouzou, Bouira et deux en cours à Ghardaïa et Chlef). Beaucoup d'autres solutions existent, elles seront plus efficaces si tous les concernés joignent leurs efforts, l'alerte a été donnée depuis quelques années, il faut passer à l'acte, nos enfants sont capables de relever les défis. L'engouement pour ces études, ne va pas tarder à venir, je garde espoir, depuis qu'on anime les clubs des maths beaucoup de lycéens de ces clubs ont choisi des filières mathématiques. Un dernier mot ? Bravo aux jeunes Algériens et Algériennes qui nous ont honorés lors de leur participation à la compétition internationale des mathématiques à Paris, notre sponsor Techno, que je remercie d'ailleurs pour son grand soutien, souhaite organiser une petite réception à leur honneur, j'invite par le biais de cet article les tutelles concernées (MEN, MESRS, MJS, MAE et M.Culture..) à participer à cette réception, ça leur fera un énorme plaisir.