Souleïman El Hodeïdi (1) débute son livre A propos de la poésie arabe moderne (2), par une « opinion » aussi célèbre que « l'engagement » dans la littérature prôné par Jean-Paul Sartre dans les années cinquante. En effet, il qualifie « d'impératif interne, de norme éthique de la création, le ‘‘devoir'' de l'artiste envers son époque, sa société et sa culture. Seule l'incarnation de la destinée humaine dans la parole peut épargner à l'œuvre d'un poète la dépréciation et la disparition ». D'après Souleïman El Hodeïdi, « un poète ne réalise sa vocation qu'en poursuivant une grande idée, en y aspirant ». Ainsi, notre critique pense, en général, que la création est impossible sans énergie spirituelle, car seules la personnalité et la vie de « l'individu-poète » impriment un mouvement aux mots, les construisent et leur confèrent un sens. Les grands exemples de Souleïman El Hodeïdi sont les Algériens moufdi Zakaria et Mohammed Dib, les palestiniens Mahmoud Derwiche et Samih El Kacem, les Irakiens Nazik El Malaéka et Badr-Chaker Essyab, les Syriens Adonis et Chawki Baghdadi et les Egyptiens Salah Abd-Essabour et Amel Dounkoul. Tous ces poètes sont des « classiques » de la littérature arabe. Ayant caractérisé la création poétique comme une « chose éminemment humaine » et intégrée dans son temps, Souleïman El Hodeïdi use de cette plate-forme traditionnelle pour s'en prendre vivement à la « littératurisation » des lettres. Ironie caustique, citations impitoyables, parodies mordantes, aphorismes cuisants pleuvent sur le poète débutant qui essaie de s'« enfermer dans sa bibliothèque ». Pour notre critique, il est difficile pour un poète de se placer en dehors de ses principes esthétiques et de ses idées d'homme « vivant parmi d'autres hommes ». Souleïman El Hodeïdi ne cite pas d'« exemples » de « jeunes poètes ». Il se contente de les critiquer ou de leur prodiguer des « conseils ». Souleïman El Hodeïdi écrit que « l'on ne saurait s'arracher à la tradition », tandis qu'Adonis, lui, affirme que « la poésie commence avec l'inattendu, avec l'inédit ». D'après Jean Cocteau, « la poésie exprime une réalité que seule l'intuition permet de concevoir » ; quant à Paul Valéry, il affirme que « la poésie surgit par la force constructive de l'intellect ». Malgré son interprétation « un peu trop moralisatrice » du phénomène poétique, Souleïman El Hodeïdi a fait un livre sur la vocation du poète, plus exactement sur celle de l'homme, les deux étant pour lui indissociables. 1) Auteur jordanien, docteur es-lettres de la Sorbonne, Paris. 2) Editions Dar El Ilm-lil-malayine, Beyrouth.