Malheureusement, le Ramadhan est synonyme maintenant de repos, de consommation et de gaspillage. Ce chamboulement des comportements de la société jeune met en cause négativement l'avenir des valeurs et des fondements référentiels de notre civilisation léguée de génération en génération. Aujourd'hui, ce n'est qu'à quelques heures de l'appel du muezzin à la rupture du jeûne que, comme par enchantement, la ville commence à reprendre vie. L'anarchie regagne ainsi les rues et les venelles de la capitale du Titteri. Les gens préfèrent prendre congé pour dormir la journée et veiller tard dans la nuit à la fraîcheur. A trois quarts d'heure du f'tour, les commerces, en particulier ceux vendant le qalbellouz, la fameuse zlabia et les jus, sont pris d'assaut par les nombreux citoyens pressés qui viennent tout juste de se réveiller après une longue nuit passée à la belle étoile. La circulation automobile redevient aussi dense, marquée par des embouteillages et des bouchons dans plusieurs endroits et axes routiers névralgiques du centre-ville, notamment dans les quartiers Aïn El Mordj, Farah Ahmed, route d'Alger, etc., et ce, malgré la présence des agents du service d'ordre qui peinent à contenir cette marée humaine déferlant de tous les coins de la cité. Au niveau de la place du 1er Novembre, une grande pagaille est créée chaque après-midi à partir de 17h par des dizaines de chauffeurs de taxi livrés à eux-mêmes qui se disputent les clients en obstruant toutes les voies donnant accès aux marchés et à la poste. Des scènes désolantes sont observées et personne n'ose raisonner ces chauffeurs indisciplinés qui bloquent impunément la circulation, même si une ambulance actionne sa sirène. C'est la loi de la jungle qui se prolonge pendant ces heures jusqu'aux ruelles du marché des fruits et légumes, il faut jouer des coudes pour se frayer un passage en faisant attention à ses poches et à son téléphone portable, car les pickpockets élisent domicile dans de telles situations de bousculades. L'autre désagrément, c'est l'envahissement des rues étroites du marché par de nombreux jeunes marchands à la sauvette qui obstruent et squattent tous les espaces publics en étalant leurs marchandises — essentiellement divers genres de galettes, diouls, k'taïf…— à même le sol, et ce, sans s'inquiéter du côté salubrité. Cher cher, le Ramadhan 2016 La cherté de la vie a été éprouvante durant ce mois sacré, contrairement aux autres mois de l'année, les spéculateurs ont fait du mois de Ramadan une période propice pour tirer le maximum de gain et de profit. Les prix des produits de large consommation, des viandes blanches et rouges, des fruits et légumes ont été inabordables cette année pour les bourses des ménages modestes qui se sont rabattus sur les abats de bovins et de viandes de caprins cédés plus ou moins à des prix abordables pour préparer leur soupe par rapport à ceux de l'ovin qui occupent le podium. Un marché de proximité a été ouvert pourtant à la sortie sud de la ville pour juguler la cherté des prix et décourager les spéculateurs, en vain. Vingt minutes après la rupture du jeûne, place à l'agitation, aux cris et aux rires qui fusent déjà de partout. Les gens retrouvent la parole et le sourire, les transports urbains déversent déjà la première vague de clients qui envahissent le centre-ville. Ils semblent subitement se réveiller d'une longue journée de sommeil. Si pour certains, leurs soirées sont synonymes de rencontres autour d'une tasse de café bien dosée et une cigarette, pour d'autres, ils se dirigent vers les mosquées pour la prière des tarawih. Des femmes accompagnées par leurs bambins emplissent les magasins d'habillement. Les jeunes et moins jeunes, quant à eux, s'agglutinent devant le portail de la maison de la culture Hassan El Hassani en vue de dénicher, après une bousculade, une place compte tenu de l'exiguïté des lieux ne pouvant offrir à tous ces jeunes une chance de se prélasser et se divertir lors des soirées musicales ou théâtrales qui ont été programmées à l'occasion. Heureusement pour les mordus de foot, le Ramadhan a coïncidé avec l'Euro 2016, ils se sont donc régalés sur le petit écran. Enfin, le premier appel de l'imam, à l'aurore d'une nouvelle journée, qui émane des haut-parleurs de la mosquée vient disperser les derniers groupuscules qui se sont formés, traînant la savate depuis l'heure de «délivrance». Les loisirs et les endroits de distraction sont rares à Médéa. Une multitude de raisons qui fait que beaucoup de gens n'ont d'autre choix que de dormir ou de s'égarer dans des palabres interminables jusqu'à une heure tardive de la nuit. Rendez-vous au Ramadhan 2017 !