– Quelles seront les répercussions de ces hausses sur le quotidien du citoyen algérien ? Il n'est nul besoin d'être expert en économie pour comprendre que les mesures contenues dans le projet de loi de finances 2017, particulièrement celle portant sur la hausse de la TVA, auront des conséquences négatives sur le pouvoir d'achat des citoyens. La hausse des prix sera générale et le mécontentement social le sera, sans doute, aussi. – Quelles sont vos prévisions économiques de l'année 2017 ? Si la situation sur le marché pétrolier reste inchangée, il faut s'attendre à ce que les mesures contenues dans le projet de loi de finances 2017 se révèlent rapidement comme largement insuffisantes pour faire face au déficit budgétaire. Ce dernier est tellement important que les pouvoirs publics seront amenés, à coup sûr, à opérer d'autres ajustements et à recourir à d'autres solutions (endettement extérieur, dévaluation…). Il ne faut pas perdre de vue que les difficultés ne seront pas que d'ordre budgétaire. Le financement des entreprises, le maintien du niveau de l'emploi (notamment dans les activités liées aux marchés publics), la sauvegarde de certains équilibres sectoriels (je pense en particulier au régime de retraite)… sont autant de questions qu'il faudra résoudre. – Selon vous, quels sont les faux pas commis par le gouvernement face à cette crise ? Je suis tenté de vous répondre par : l'absence de pas ! La réponse des pouvoirs publics face à la crise s'apparente à une sorte d'«ajustement naturel», c›est-à-dire un ajustement destiné à parer au plus urgent, à colmater les brèches. L'ajustement auquel nous assistons est naturel car il ne s'inscrit pas dans un projet, une perspective. Il n'apporte pas de réponse crédible à la question de la nécessité du dépassement du modèle rentier de croissance. Le changement de modèle de croissance ne se réduit pas à la dimension budgétaire. Il exige que soit traité un certain nombre de problèmes fondamentaux, dont le statut de l'échange marchand dans notre société, le mode d'insertion internationale de notre économie, les formes institutionnelles de mise au travail, les choix budgétaires de l'Etat, la gestion de l'accès aux ressources et aux marchés… Toutes ces questions appellent des réponses nouvelles, en rupture avec les pratiques du passé. – Quelles solutions proposez-vous pour survivre à cette crise ? La crise actuelle n'est pas économique, elle est fondamentalement politique. Une politique économique de rupture avec le régime rentier nécessite une volonté politique. Le personnel politique actuellement au pouvoir n'a, pour des considérations diverses, pas la volonté d'aller vers cette rupture. Il en est incapable. Par ailleurs, une politique de rupture avec la rente nécessite des sacrifices considérables que seul un pouvoir légitime est à même de demander à la société. N'ayant pas de base sociale, mais simplement une large clientèle, le pouvoir politique actuellement aux commandes est dans une situation où les ressources financières nécessaires à l'entretien de cette clientèle s'amenuisent. L'évolution de la situation est incertaine, mais il est fort probable que l'on ait recours, dans un futur proche, à davantage de coercition pour gérer les conflits de répartition.