Un résultat sans appel et à contresens des pronostics et sondages avancés avant l'élection, qui exprime si besoin est le ras-le-bol des Américains et le rejet de l'establishment qu'incarne la candidate Hillary Clinton. Dans la soirée du 8 novembre, l'Amérique a vécu un séisme qui l'a mise devant sa réalité sociale, en totale opposition avec l'image d'hyperpuissance renvoyée au monde. La plus grande puissance du monde n'a pas vu ou su peser l'impact de sa politique interventionniste et néolibérale sur sa propre société, dégoûtée par les shows à la Rambo et en mal de réponses à ses inquiétudes du quotidien. Donald Trump, un vote-sanction ou le choix de la réalité ? Quelle qu'en soit la réponse, les Américains ont dit leur mot et ont élu ce milliardaire qui, paradoxalement, a su parler aux marginaux. Avec un taux de participation de 54,2% sur 230 millions d'électeurs (le plus faible depuis l'année 2000), l'élection de 2016 a été marquée par une large victoire de Donald Trump dans les principaux Etats qui «comptent» dans une élection, à savoir la Floride, la Pennsylvanie, l'Ohio, la Caroline du Nord et l'Iowa. De même qu'il a raflé les villes de l'Alaska, l'Utah, le Montana, l'Idaho, le Wyoming, le Kentucky, l'Indiana, la Louisiane, le Missouri, la Géorgie, la Virginie-Occidentale, le Tennessee, l'Oklahoma, le Mississippi, la Caroline du Sud, le Dakota du Nord et du Sud, le Nebraska, le Kansas, le Texas, l'Arkansas, le Wisconsin et l'Alabama. Sa rivale n'a récolté que les votes du Nevada, du Maine, de l'Etat de Washington, de l'Oregon, du Colorado, du Connecticut, du Vermont, du Maryland, de Rhode Island, du New Jersey et de New York, le Massachusetts, le Nouveau Mexique, le Delaware, Washington DC, la Virginie, Hawaï, l'Illinois et la Californie. A noter qu'aux Etats-Unis, les élections présidentielles passent par l'élection d'abord des grands électeurs qui, eux, seront chargés d'élire le Président. 50 élections locales ont lieu, une par Etat, pour désigner les 538 grands électeurs qui élisent à leur tour le Président. Et maintenant ? Après avoir voté Trump, l'Amérique s'est réveillée avec la question : que va-t-il se passer maintenant ? Même si les discours du candidat Trump ont créé bien des frayeurs, le premier speech du président Trump prône l'apaisement et vient quelque peu les rassurer. «Il est temps pour l'Amérique de panser les blessures de la division, il est temps de se rassembler comme un peuple uni. Je serai le Président de tous les Américains», a-t-il dit juste après l'annonce des résultats des élections. Hispaniques, Noirs, musulmans, trois composantes de la société américaine redoutent les lendemains de l'investiture Trump. Surfant sur les peurs durant sa campagne, Trump avait promis à ses électeurs de chasser les réfugiés, de déporter des millions de sans-papiers hors d'Amérique et de construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique. «Notre mouvement est composé d'Américains de toutes sortes d'origines. Nous allons travailler ensemble pour reconstruire la nation», a-t-il lancé à l'adresse de ceux qui n'ont pas voté pour lui. Cela suffira-t-il à les rassurer ? Le temps nous le dira. Mais il faut retenir que le programme de Trump a plu aux laissés-pour-compte pour ses promesses de mettre un frein aux inégalités. Trump a pu voir la faille entre les élites politiques et économiques avec la base populaire. Lui, le milliardaire, dénonce la globalisation économique qu'il qualifie de calamité qui fait de nombreuses victimes dans les classes moyennes. Il promet de sortir les Etats-Unis de l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena) et du Traité transpacifique (TPP), en disant que «le TPP est un coup mortel pour l'industrie manufacturière des Etats-Unis». Tout en promettant aussi, à contre-courant de son clan républicain, de garder les avantages sociaux, Trump assure qu'il fera baisser les prix des médicaments, réglera le problème des SDF, apportera des réformes à la fiscalité des petits contribuables, supprimera l'impôt fédéral touchant 73 millions de pauvres et augmentera par contre les impôts des traders de Wall Street, spécialisés dans les fonds spéculatifs et qui brassent des fortunes. Par ailleurs, sur le plan de la politique étrangère, des signes d'apaisement sont lancés par le candidat républicain. Donald Trump veut dessiner une nouvelle feuille de route consistant à minimiser le rôle interventionniste américain dans le monde et à aller vers l'ouverture de voies d'accord avec la Russie et la Chine. Il espère même signer une alliance avec Vladimir Poutine pour combattre l'organisation Etat islamique, même si le prix serait d'accepter l'annexion de la Crimée par la Russie.