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Pour un meilleur traitement des retraites en Algérie
Publié dans El Watan le 14 - 02 - 2017

Il s'agit de la pénibilité au travail qui renvoie à un certain nombre de considérations liées aux aspects ergonomiques des conditions de travail et leur perception par la réglementation en vigueur. Cette notion de pénibilité n'a jamais bénéficié, en Algérie, d'un régime juridique établi, et encore moins d'une définition admise en droit du travail.
D'ailleurs, même en occident où le travail pénible est considéré unanimement comme celui qui est humainement difficile à supporter, les acceptions de la notion de pénibilité demeurent très éparses tant dans la loi qu'en jurisprudence. Il est notoirement admis que le travail, quelle que soit sa nature, reste toujours lié à la production d'efforts physiques et intellectuels pour la production d'un bien ou d'un service et viserait par voie de conséquence à l'incontournable issue de création richesse. Toutefois, la notion de pénibilité reste à ce niveau très relative d'une fonction à une autre et d'un secteur à un autre.
L'appréciation de la pénibilité se faisant à travers un certain nombre de critères et de paramètres intimement surveillés, tels que le nombre de maladies professionnelles enregistrées, le taux d'accidents de travail et autres risques enregistrés en durabilité et en fréquence sur la santé des travailleurs. Dérivé du mot «peine», le vocable de pénibilité commence récemment à apparaitre dans les débats en Algérie, mais son usage était déjà répandu au début des années 1980. Il est à rappeler que la première évocation de cette notion l'a été lors de l'application du statut général du travailleur (SGT) à travers l'instauration de la notion d'indemnité de nuisance au travail.
En effet, les dispositions de l'article 152 de la loi n°78-12 du 08 août 1978 relative au SGT définissaient un régime d'indemnisation des nuisances au travail en les circonscrivant aux aspects suivants : pénibilité, salissure, insalubrité et danger ; son texte d'application, en l'occurrence le décret n°81-58 du 28 mars 198, présentait quant à lui leurs modalités de calcul et d'attribution dans une logique compensatrice.
Construit à partir de l'adjectif pénible, le terme renvoie notamment à tout ce qui est «difficile à supporter», à la posture, au rythme de travail et autres conditions d'ambiance, et tout ce qui nécessite par conséquent des efforts dans l'accomplissement de la prestation. Dans ce cadre, le travail pénible est un travail astreignant, contraignant, susceptible de causer de la souffrance ou de la douleur à son auteur et d'occasionner des désagréments tant physiques que psychiques.
Il faut noter à ce propos que l'actuel projet de code de travail, en gestation, n'a même pas effleuré cet aspect et encore moins défini le harcèlement moral, générateur de souffrances pouvant conduire à des déficiences pathologiques non encore reconnues en Algérie, telles que l'épuisement professionnel (burn-out)* ou son inverse la mise au placard (bore-out).
Car si les pénibilités physiques persistent, de nouvelles formes de pénibilités psychiques sont apparues, liées aux charges physiologiques et psychologiques induites, résultant de l'intensification du rythme de travail, des postures, de la pression de la rentabilité et des modes de management pratiqués. Le concept de pénibilité est défini par l'Organisation internationale du travail (OIT), comme «… une exposition, au-delà de certains seuils, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé du salarié».
En Algérie et sur un plan strictement juridique, cette notion de pénibilité au travail reste en effet à construire à partir de normes à établir définissant des seuils de tolérance qui peuvent être variables d'une personne à une autre et qui peuvent évoluer en fonction de l'âge et aussi en fonction des conditions de vie plus ou moins confortables en dehors du travail.
Si tout métier a ses propres contraintes, tous les métiers n'exposent pas pareillement aux risques de blessure et de dégradation de la santé (très accentués dans les secteurs des mines et de la sidérurgie par exemple). Il est donc important de prendre en compte, selon les différentes branches professionnelles, des effets du travail sur l'espérance de vie, sur la santé et le bien-être pour fixer l'âge de départ à la retraite de manière équitable. Lorsqu'un salarié est exposé à des facteurs de pénibilité au-delà des seuils établis, l'employeur doit élaborer une fiche individuelle d'exposition qui doit aboutir à la création d'un compte pénibilité, comme cela a été évoqué dans un article paru dans l'édition du 29 juillet 2016 du quotidien El Watan.
Pour l'appréciation de la pénibilité, il est supposé de prime abord que le salarié ait été, après application des mesures de protection collective et individuelle, soumis au-delà des seuils d'exposition, qui restent encore à définir en Algérie, à des facteurs de pénibilité liés à un environnement physique agressif et à certains rythmes de travail. Les employeurs en consultation avec les partenaires sociaux au niveau des conventions de branches et des filières doivent ouvrir des chantiers et solliciter une expertise pour recenser les secteurs concernés, identifier les métiers à risque et procéder à la pesée des postes de travail susceptibles d'être éligibles aux seuils critiques de pénibilité par l'entremise de grilles d'évaluation à confectionner.
La réglementation sur la santé et la sécurité au travail doit prévoir l'instauration d'un programme de surveillance médicale pour les travailleurs exposés à des contraintes plus élevées que celles permises en continu à travers des modes de surveillance qui restent à développer. Mais les modes et règles de reconnaissance de la pénibilité restent sujets à débat même dans les pays développés. A titre de comparaison, il a fallu, en France, une décennie pour mettre en place ce système qui semble encore bien complexe dans sa mise en œuvre et le contrôle de son suivi.
Il reste quand même malheureux de disserter en Algérie sur la notion de pénibilité alors que sous d'autres cieux le débat est résolument plus tourné vers le bien-être des salariés et le bonheur au travail, et je salue à ce propos quelques managers éclairés en Algérie (qui se comptent sur les doigts d'une main) qui ont déjà adopté l'ISO 26000. Le débat sur la pénibilité appelle une prise de conscience de l'impact de l'organisation du travail sur la santé et le bien-être des salariés qui excède une approche strictement médicale et concerne tous les acteurs sociaux (DRH, syndicats, CHS, médecins du travail, psychologues…).
Dans l'espoir que cette modeste contribution puisse inviter les instances du ministère du Travail, les commissions mises en place par l'UGTA et les acteurs en charge des politiques de retraite et de santé au travail à mieux définir et asseoir le socle de pénibilité dans le nouveau code du travail à venir et à humaniser sa perception par les employeurs ; et ce n'est que lorsque les normes d'application de cette politique seront parues que l'on pourra juger de toute la portée de cette mesure sur les métiers à risque en Algérie.


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