Les partis politiques en compétition se fourvoient dans des discours et des mots d'ordre inaudibles. Les polémiques et les querelles l'emportent sur les questions fondamentales, parasitant ainsi les quelques tentatives d'amorcer des débats à enjeux cruciaux avec la société devant donner des couleurs au scrutin. Pourtant, le contexte national, dominé par une crise économique, une impasse sociale menaçante, mais aussi et surtout par une incertitude politique, aurait commandé, sinon exigé des acteurs politiques une grande capacité à mobiliser l'opinion autour des thèmes majeurs et des préoccupations centrales de la société. Les énergies politiques en mesure de provoquer des dynamiques n'arrivent pas à se mettre en place. Les leaders, qui haranguent les foules et capables de soulever les masses, font défaut à cette élection. Cette campagne électorale a, jusque-là, raté l'occasion de réenchanter la politique et donner envie aux citoyens, surtout les jeunes, d'investir le champ des batailles politiques. De l'aveu même des candidats. C'est justement cette angoisse de l'abstention élevée et massive qui a contraint les partis et leurs candidats à tout déployer pour convaincre les électeurs à se rendre aux urnes le 4 mai prochain. Mais il n'est pas certain que cet objectif ait été atteint, à en juger des salles de meeting rarement pleines. La bataille a été centrée essentiellement autour de la nécessité d' aller voter massivement aux dépens de la confrontation des projets. Un état de fait qui témoigne de l'affaiblissement idéologique et organique de partis englués dans des crises d'identité et de carences stratégiques. Il est vrai que le verrouillage du champ politique, les contraintes bureaucratiques et le marchandage politique réduisent la marge et la liberté d'action des organisations politiques. Reconquérir l'électorat et le convaincre à la participation sont devenus l'obsession de cette campagne qui peine à démarrer. Redoutant une abstention record qui va davantage affaiblir un Parlement dont la majorité devrait constituer l'équipe gouvernementale, le pouvoir politique et ses démembrements mettent le paquet quitte à prendre des libertés avec la loi et la législation qui fixent les règles du jeu. A commencer par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a entamé des visites officielles dans des wilayas pour promettre des réalisations économiques et prenant des engagements d'avenir alors que son gouvernement en fin de mandat devrait observer une pause pendant la campagne électorale. Une «stratégie» dénoncée par les partis de l'opposition qui y voient un parti pris du gouvernement. L'inquiétude de la faible participation au rendez-vous législatif a fait perdre au gouvernement le sens de la mesure en enroulant les mosquées dans la campagne de «sensibilisation» des électeurs. Le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, a ordonné aux imams de toutes les mosquées du pays de se saisir du pupitre et du prêche du vendredi pour en faire une tribune politique, rappelant les fidèles au «devoir» civique. Faire des imams des rabatteurs de voix et de la religion un instrument de mobilisation politique. La démarche par-delà son caractère illégal a divisé les fidèles et les imams dont certains ont refusé d'obéir à l'instruction du ministre. C'est une implication éhontée de la religion dans un débat politique. Ceux qui seraient pour le boycott des élections seraient-ils alors de mauvais citoyens ! Est-il nécessaire de rappeler que prendre part aux élections ou les boycotter est un acte politique qui tient de la seule conviction de chaque citoyen. Cela dit, le recours aux mosquées démontre si besoin est que le discours politique dominant n'est plus porteur, il n'a plus d'emprise sur la société réelle. Dans ses enquêtes, le sociologue Nacer Djabi démontre que la majorité des Algériens passent sous les radars des décideurs. Du côté des partis de la coalition gouvernementale, le discours développé par le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, est jugé «repoussoir». Engagé dans une rivalité avec son frère ennemi, le RND, il répète à l'envi que «le FLN c'est l'Etat». Une confiscation d'un bien commun à tous les Algériens faisant régner une ambiance nationale qui rappelle combien l'impasse qui plombe le pays est totale. Si d'évidence l'élection d'une nouvelle Assemblée nationale ne va pas remodeler en profondeur les rapports de force politiques, elle confirme par ailleurs l'inefficacité du processus électoral tenu dans les conditions actuelles à briser le statu quo. Il n'est pas certain que la future Assemblée que va sans nul doute reconduire la majorité actuelle avec un rééquilibrage des «forces» pourra préparer l'échéance majeure qu'est l'élection présidentielle.