D'anciens militaires français, des scientifiques du contingent, ont appelé jeudi à la levée du secret-défense concernant le dossier des essais nucléaires dans le Sahara. L'appel publié par le Monde est signé par deux anciens militaires affectés au camp Saint-Laurent près d'In Amguel et au « centre de culture du Hoggar ». Louis Bulidon, Raymond Sené, tous deux témoins, le 1er mai 1962, d'un essai nucléaire, code Beryl, sous la montagne du Tan Affela à In Ekker. « La chape de plomb du secret-défense qui a couvert cet accident nucléaire doit être levée, car il s'agit d'une affaire d'Etat qui a touché Algériens et Français, victimes innocentes d'une raison d'Etat qui, près de cinquante ans après l'événement, n'a plus aucune justification », considèrent-ils. Dans les jours qui ont suivi le désastre d'In Ekker, notent les signataires de l'appel, « des centaines, voire peut-être plusieurs milliers d'individus, dont des femmes et des enfants algériens, ont reçu des doses radioactives très handicapantes, voire mortelles pour certains d'entre eux ». La sortie médiatique de deux anciens soldats, auteurs de l'appel, se veut aussi un démenti à Hervé Morin, ministre français de la Défense, qui déclarait dans le Parisien daté du 16 février dernier que les « les doses reçues lors de ces essais étaient faibles », « totalement déconnectés de notre expérience vécue », répondent-ils. « Les relevés des mesures que nous effectuions régulièrement sur les filtres de contrôle atmosphérique pourraient en témoigner, dans la mesure où l'autorité militaire accepterait de permettre la levée du secret. Il est impensable que ces données techniques n'aient point été archivées. » Mesurée dans le laboratoire de l'armée, la durée de passage du nuage radioactif, au plus fort de la contamination, a été de vingt minutes. « Une période au cours de laquelle nos instruments de mesure ont été saturés par l'intensité du rayonnement des particules retenues sur nos filtres à air. De plus, pendant les semaines, les mois suivant le tir Beryl non confiné, les militaires, y compris ceux qui n'étaient pas considérés comme étant en zone contrôlée, les populations locales, ont été l'objet de contaminations chroniques provenant des poussières chargées de produits radioactifs transportées par les fréquents vents de sable. » « La nation, concluent les deux témoins, a le devoir de dresser, enfin, le bilan sanitaire des victimes en ouvrant au public ses archives civiles et militaires. » Le président français, Nickolas Sarkozy, les représentations nationales algérienne et française, sont invités par les rédacteurs de l'appel à établir, des deux côtés de la Méditerranée, la liste des personnes, civils et anciens militaires, qui ont été soumises aux retombées de l'explosion.